Harcèlement sexuel : où en est-on ?

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avec Fabien Cazeaux , modifié à
Un an après l'abrogation de la loi, de nombreuses femmes ont dû abandonner leurs poursuites.

Un an après l’abrogation de la loi pénalisant le harcèlement sexuel, le 4 mai 2012, et l'adoption d'une autre loi à l'été suivant, l'heure est au bilan. Les 2.000 procédures en cours au moment de l'abrogation ont connu des destins très variés. Si certains faits ont pu être requalifiés en harcèlement moral ou en violences sexuelles, d'autres victimes ont seulement pu se tourner vers les Prud'hommes. Pire, certaines n'ont eu d'autre choix que de renoncer. Où en est-on un an plus tard ? Que sont devenues ces femmes ? Europe 1 fait le point.

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"Je vous vois sous la douche avec moi". Un an après, Delphine ne se remet toujours pas du traumatisme qu'a été pour elle l'abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel. Victime pendant deux ans d'allusions, de regards, de demandes répétées de la part de son patron de vingt ans son aîné, cette comptable raconte à Europe 1 son calvaire.

"Il venait, mon bureau était vitré donc on avait des stores, il baissait les stores en disant que c'était confidentiel et il en profitait pour s'installer près de moi et fouiller dans mon ordinateur. Après, il me disait : 'j'ai des fantasmes, je vous vois sous la douche avec moi. Ce qui me plairait c'est que vous me fassiez une fellation'. Il pouvait même s'allonger par terre dans le bureau en me demandant d'écarter les jambes, parce que ça l'excitait", raconte encore émue la jeune femme.

Il était vraiment malade :

"Il m'a fallu du temps pour porter plainte". Comme de nombreuses autres employées victimes de harcèlement, Delphine a mis du temps pour se libérer de l'emprise de son patron et engager des poursuites. "Il était vraiment malade. Et puis, il voyait que ça ne marchait pas, alors  il venait s'excuser, il pleurait, pour finalement recommencer. Pour comprendre que j'étais vraiment une souris et le lui le chat qui joue, il m'a fallu du temps", confie-t-elle au micro d'Europe 1.

Le patron pas poursuivi pour harcèlement. Delphine souligne également la solitude à laquelle doivent faire face les victimes de harcèlement. "On est toute seule, on ne peut pas partager ces choses avec les enfants, avec sa famille", se souvient Delphine la jeune femme a dû renoncer à toute poursuite pénale et opter pour une solution qui ne lui convient pas. "J'ai dû juste aller aux Prud'hommes, pour un licenciement qui a soit disant été abusif. L'enquête, elle s'arrête-là, c'est tout. C'est aberrant, quand on est une femme en France, on est rien, mais rien du tout", déplore la jeune femme.

A la recherche de subterfuges juridiques. Car la nouvelle loi, qui a remplacé la première jugée trop floue, laisse un grand vide juridique. Les faits commis entre l'abrogation de l'ancienne  loi en mai dernier et la mise en place de la loi actuelle durant l'été, ne peuvent en effet pas être poursuivi. Beaucoup de victimes ont dû donc user de subterfuges juridiques, comme requalifier les faits en harcèlement moral, ou en agression sexuel quand cela était possible, en cas de contact, ne serait-ce qu'une caresse.

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Un quart des plaintes n'aboutissent pas. La juriste Emmanuelle Cornuault tient une permanence à l'Association contre les violences faites aux femmes au travail. A son grand regret, dans bien des cas, aucune solution juridique n'a pu être trouvée et les femmes ont dû renoncer purement et simplement à voir leur harceleur condamné. "Sur 100 dossiers, environ 25 sont tombés purement et simplement, donc c'était un déchirement total pour ces femmes là, alors que les faits de harcèlement sexuelle était bien caractérisés", déplore la juriste au micro d'Europe 1.