Génocide rwandais : cinq questions sur les procès filmés

En 2009, au procès AZF, des caméras avaient été installées dans la salle d'audience.
En 2009, au procès AZF, des caméras avaient été installées dans la salle d'audience. © MAXPPP
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avec AFP , modifié à
ZOOM - La loi interdit les caméras dans les prétoires mais autorise les exceptions pour les procès à valeur historique.

C'est le premier procès en France lié au génocide rwandais de 1994. Dans la salle d'audience, le public, des journalistes mais aussi des chercheurs et des historiens assisteront aux débats. Plus exceptionnel encore, des caméras filmeront l'intégralité des audiences. Une entorse à la loi française autorisée vu l'intérêt historique de cette affaire.

Filmer un procès, c'est possible ? Depuis une loi du 6 décembre 1954, pour garantir la sérénité des débats judiciaires leur captation est interdite en France. Pas question de filmer, d'enregistrer ou de prendre des photos pendant un procès. Mais en 1985, à l'approche du procès du nazi Klaus Barbie, le Garde des Sceaux Robert Badinter fait adopter une loi pour créer des archives audiovisuelles de la justice. Sont désormais autorisées les prises de son et de vue des procès ayant "une dimension événementielle, politique ou sociologique tels qu’ils méritent d’être conservés pour l’Histoire", prévoit la loi.

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Depuis 29 ans, seuls cinq procès ont ainsi été filmés: ceux de Klaus Barbie, Paul Touvier, Maurice Papon, les procès en première instance et en appel de la catastrophe AZF, ainsi que le "procès Pinochet" de 17 responsables (en leur absence) de la disparition de quatre franco-chiliens sous la dictature. Les procès en première instance et en appel du sang contaminé ont également fait l'objet d'un enregistrement audio.

Qui a accès à ces images ? Les images tournées lors de ces procès historiques sont conservées par le ministère de la Justice. Le président du tribunal de grande instance de Paris peut autoriser leur diffusion sur dérogation "à des fins historiques ou scientifiques". Cette dérogation ne peut néanmoins être accordée qu'une fois tous les recours en appel et en cassation écoulés. Après 50 ans, la diffusion devient libre. Aux Etats-Unis, par exemple, n'importe quel procès peut être filmé et même retransmis en direct. Des chaînes de télé sont d'ailleurs spécialisées dans la diffusion d'audiences.

L'accusé peut-il s'opposer à la captation ? C'est ce qu'a fait Pascal Simbikangwa. Mais sans succès. "La demande s'est faite par comparaison avec le procès Papon, on est déjà dans une connotation très forte. Et un jury qui est filmé est un jury qui n'est pas libre", s'indigne Alexandra Bourgeot, son avocate.

D'autres procès peuvent-ils être filmés ? En 2003, Raymond Depardon a posé ses caméras à la 10ème chambre du tribunal correctionnel de Paris pendant trois mois. Le procès du pédophile Francis Evrard a lui aussi été filmé. A chaque fois, la Chancellerie a accordé des dérogations exceptionnelles aux réalisateurs.

La loi peut-elle changer ? En 2005, la commission Linden, composée de magistrats, d'avocats et de journalistes, s'était penchée sur la question et avait dénoncé "une contradiction peu acceptable entre une situation de droit et une situation de fait, laquelle se caractérise par un manque de lisibilité, des inégalités de traitement et une réelle insécurité juridique". Elle proposait donc plusieurs pistes de légalisation des captations. Mais elles sont restées lettre morte.

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