Fausses plaques mais vrais PV

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avec Mathieu Charrier , modifié à
- La “doublette“, l’usage frauduleux de fausses plaques d’immatriculation, explose.

Un agriculteur du Gers, un autre du Limousin, puis un autre confrère de la Creuse ont en commun d’avoir récemment reçu un étrange PV : ils ont écopé d’une amende pour excès de vitesse ou mauvais stationnement de leur tracteur…en région parisienne. Alors même qu’ils ne s’y sont jamais rendus avec leur véhicule.

Ces exploitants agricoles ont en fait été victime d’une “doublette“, c'est-à-dire une usurpation de la plaque d’immatriculation de leur tracteur. Leur numéro a en fait été installé sur une ou plusieurs autres voitures, ce qui permet à leur propriétaire d'échapper aux amendes.

C'est par exemple ce qui est arrivé à Emile, un agriculteur résidant en Dordogne. Un matin, il a reçu un PV de stationnement, dressé dans le 20e arrondissement de Paris. Pourtant, “c’est un tracteur qui a 41 ans“ et ne pourrait même pas arriver jusqu’à Paris. “Je ne suis pas le seul. Dans la Dordogne, on est trois, ça commence à faire“, témoigne-t-il.

Le phénomène, qui touche également les voitures, est en plein essor depuis plusieurs années.

Une arnaque simplissime

Le phénomène des doublettes est en plein essor, et pour cause : l’arnaque est très simple à réaliser. Un journaliste de la rédaction d'Europe 1, Mathieu Charrier, a voulu tenter l’aventure, avec succès.

Il lui a suffit de subtiliser la carte grise du scooter d’un collègue de bureau, puis d’en faire une photocopie. Il a ensuite commandé une plaque d’immatriculation sur un site internet agréé par le ministère de l’Intérieur. Après avoir envoyé la copie de carte grise, il a reçu la plaque par la poste trois jours plus tard, même si ni le nom, ni l'adresse de livraison ne correspondaient à ceux de la carte grise.

“Une recrudescence“ de fausses plaques

“Depuis quelques mois il y a une recrudescence de véhicules qui sont faussement immatriculés“, confirme Olivier Lebon, le secrétaire régional du syndicat alliance Police Nationale.

Cette arnaque est même possible sans dérober la carte grise de la victime. Il suffit de noter le numéro de plaque d’un véhicule similaire au sien, puis de trouver un garagiste ou un cordonnier sans scrupules qui acceptera de fabriquer la fausse plaque.

Les victimes s’organisent

Les contraventions pour fausse plaque ont augmenté de 16,5 % en 2008, puis de 11% en 2009. Si l’auteur d’une “doublette“ évite les contraventions, le propriétaire de la vraie plaque reçoit, lui, une amende bien réelle.

Les victimes de cette arnaque se multipliant, un collectif de victimes vient de se créer : l’Association nationale de défense des victimes d’injustices (A.N.D.E.V.I). Ce collectif de victimes conseille les dernières personnes abusées pour qu’elles puissent faire face à “cette administration inhumaine, ne répondant à aucun courrier, aucune contestation“ et qui peut même saisir les comptes bancaires des victimes.

D'autres techniques pour éviter les amendes

Pour éviter de recevoir une amende en cas d’infraction, d’autres techniques sont aussi apparues. Des bombes de boue sont commercialisées sur internet et permettent de cacher l'un des numéros ou l'une des lettres de la plaque d’immatriculation, devenue illisible pour les radars.

D’autres fraudeurs préfèrent acheter un petit film transparent réfléchissant, qui, une fois appliqué sur la plaque d’immatriculation, la rend illisible au moment d'un flash. Ces techniques ne sont pas étrangères aux mauvais résultats des radars automatiques. Aujourd’hui, près d'un flash de radar sur deux est illisible ou inexploitable.

Une pratique sanctionnée

Si ces arnaques peuvent fonctionner à court terme, le fraudeur risque gros s’il se fait attraper. L’usage de fausses plaques ou de plaques maquillées est passible de cinq ans de prison et de 3.750 euros d'amende. L’usurpation du numéro de plaque d’un autre automobiliste est encore plus sévèrement sanctionnée : le fraudeur risque sept ans de prison et 30.000 euros d'amende.