Face au crime, l’État mise sur les repentis

Le gouvernement espère que le nouveau statut de repenti permettra de mieux lutter contre le crime organisé.
Le gouvernement espère que le nouveau statut de repenti permettra de mieux lutter contre le crime organisé. © MAXPPP
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avec AFP et Nathalie Chevance , modifié à
Le gouvernement espère que ce nouveau statut permettra de mieux lutter contre le crime organisé.

L'info. C'est la nouvelle arme sur laquelle compte le gouvernement pour lutter contre le crime organisé. Sur fond de règlements de comptes à répétition à Marseille ou en Corse, l'exécutif va mettre en place un véritable statut du repenti. Après des mois de préparation, le décret organisant ce statut de "collaborateur de justice" doit être transmis au Conseil d’État "d'ici la fin de la semaine". Le dispositif devrait être opérationnel début 2014.

Un "témoignage sous X" incomplet. Depuis 2002, la loi prévoyait déjà le "témoignage sous X". Mais la disposition se heurte pour les personnes impliquées dans des organisations criminelles au fait que leur nom apparaît en général ailleurs dans les procédures, selon des sources policières.

Protéger les témoins. Lors d'une visite conjointe en Corse en novembre dernier, la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, avaient annoncé travailler sur la finalisation du dispositif. "Ce décret sur les repentis permettra aux personnes qui le souhaitent de sortir de la criminalité organisée", avait alors souligné la ministre de la Justice. Manuel Valls avait, pour sa part, assuré que "l’État prendra ses responsabilités" pour protéger les témoins.

La loi votée en 2004. Le statut de repenti avait été créé dans le cadre de la loi "Perben 2", votée en 2004. Elle avait systématisé la possibilité d'exemptions ou de remises de peines pour des personnes permettant d'éviter ou de faire cesser des crimes ou délits et/ou d'en identifier les auteurs ou les complices. Le décret d'application des articles correspondants va donc permettre la mise en oeuvre de ce nouveau statut.

Des mesures de protection. Concrètement, le nouveau système permettra au parquet ou à un juge d'instruction de saisir, à l'occasion d'une enquête, une "Commission nationale de protection et réinsertion", pour faire bénéficier un repenti - et éventuellement sa famille - du programme. Celui-ci comprend notamment des mesures de protection, pouvant aller jusqu'à des identités d'emprunt.

Des aides mais aussi des obligations. La commission sera composée de trois magistrats, trois représentants du ministère de l'Intérieur et un du Budget. Elle pourra décider des mesures dont bénéficiera le repenti, ainsi que de ses obligations éventuelles. Elle sera également chargée du suivi des repentis et des mesures d'accompagnement. Le financement des mesures de protection se fera via l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), qui gère les biens confisqués dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée.

"Il aura fallu attendre 5 titulaires de la place Vendôme". Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats, largement majoritaire dans la profession, s'est réjoui que la France se dote d'un dispositif "qui existe dans beaucoup de pays d'Europe avec un succès certain". "Il aura fallu attendre cinq titulaires de la place Vendôme (siège du ministère de la Justice) pour produire les décrets que l'on aurait dû avoir il y a neuf ans", a-t-il toutefois regretté.

"Faire parler plus facilement les témoins". Les policiers aussi se réjouissent de l'introduction de ce statut. "Ce décret d'application permettra aux repentis de changer complètement d'identité, et une fois que la personne repentie aura eu confiance et saura que ce décret lui permettra de changer complètement de vie, on aura certainement de bons résultats. En Italie, ça marche", insiste Yves Robert, secrétaire zonal sud du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure, au micro d'Europe 1. "Avec ce nouveau décret, les services de police et de gendarmerie pourront faire parler plus facilement les témoins ou des personnes complices ou auteures d'assassinats. On peut penser qu'à travers les témoignages de mamans de jeunes qui ont été assassinés, ces personnes puissent témoigner et bénéficier du système qui permettra une meilleure élucidation des règlements de compte, notamment dans les banlieues", poursuit-il.