Déserts médicaux : les remèdes du Sénat

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Thomas Morel et Anne Legall , modifié à
INFO E1 - Un rapport propose des mesures pour contraindre les médecins à mieux se répartir.

L’ordonnance. Pour lutter contre les déserts médicaux, les sénateurs veulent passer à la manière forte. C'est ce qui ressort d'un rapport parlementaire à l'étude depuis huit mois. Il doit être présenté jeudi matin officiellement et Europe 1 a pu se le procurer en avant-première. 

Le diagnostic. Ce texte part d'un constat alarmant pour la médecine française : entre la baisse du nombre d'étudiants admis en deuxième année de médecine, l'augmentation de la population et son vieillissement, les déserts médicaux pourraient bien s'étendre encore plus dans un avenir proche. Pour y remédier, le rapport préconise donc de prendre des mesures coercitives pour forcer les médecins à mieux s'implanter sur l'ensemble du territoire. Deux grandes propositions sont faites par les sénateurs.

Traitement n°1 : un conventionnement "géographique". En clair, il s'agirait de faire différer le conventionnement des médecins selon les zones où ils s'installent : ceux qui choisiraient de s'implanter dans une ville où il y a déjà beaucoup de concurrence verraient leurs honoraires moins bien remboursés. "Ce n’est pas revenir sur la liberté d’installation, c’est simplement réguler cette liberté d’installation", a argumenté sur Europe 1 le sénateur centriste de l'Eure Hervé Maurey.

Ce mécanisme est déjà utilisé pour les kinésithérapeutes, les dentistes ou encore les infirmières, mais il fait hurler les futurs diplômés. "Ce type de mesures ne permet pas une meilleure répartition des médecins sur le territoire", assure ainsi Emmanuel Loeb, président de l'Inter-syndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH). Selon lui, les essais similaires dans d'autres pays d'Europe n'ont jamais atteint leurs objectifs. "Ça marche", a répliqué le sénateur centriste de l'Eure Hervé Maurey. Selon lui, pour les infirmières qui appliquent déjà ce système, entre 2008 et 2011, le mécanisme a permis d'augmenter de 33% le nombre d'installations en zones moins dotées en professionnels de santé.

Traitement n°2 : deux années dans des déserts médicaux. Les auteurs du rapport préconisent également de forcer les jeunes médecins spécialisés à exercer, pendant leurs deux premières années, dans des zones qui souffrent d'une pénurie de professionnels. Là encore, les internes sont vent debout. Car selon eux, pour convaincre les médecins de s'installer dans ces déserts médicaux, la priorité devrait plutôt être de développer les territoires en question. "A l'issue de leurs études, les étudiants passent l'internat, qui assure déjà une répartition homogène sur le territoire. Le problème vient ensuite. S'il y a un véritable aménagement du territoire, de fait, les jeunes médecins iront s'installer dans les zones qu'ils jugent attractives", défend pour sa part Emmanuel Loeb.

Les professionnels très critiques. Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France a vivement réagi à ce rapport sur Europe 1 jeudi soir. "On est furieux. Ils ont consulté pendant huit mois et quand on apporte une réponse aussi inadaptée à un sujet aussi essentiel pour la santé en France, on a envie de fermer le Sénat, ce qui économiserait 3 ou 4 milliards et permettrait de revaloriser la médecine libérale", a-t-il raillé. "En instaurant une coercition, ils vont inciter les jeunes non plus à s'installer en libéral mais à rester en salariat", a déploré Jean-Paul Hamon.

De con sôté, la CSMF, premier syndicat de médecins libéraux (généralistes et spécialistes), "demande au gouvernement (...) de repousser les propositions éculées et dangereuses de cette nouvelle commission sénatoriale" et de "poursuivre avec énergie la politique d'incitation" contenue dans le plan de lutte contre les déserts médicaux présenté en décembre par la ministre de la Santé, Marisol Touraine.