Des chômeurs "pour rien"

La papèterie M-Real située dans l’Eure est menacée de fermeture, alors que près de 80 repreneurs sont candidats son rachat.
La papèterie M-Real située dans l’Eure est menacée de fermeture, alors que près de 80 repreneurs sont candidats son rachat. © MAXPPP
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avec Fabien Cazeaux
LA POLEMIQUE DU JOUR - Des entreprises en bonne santé ferment sans raison, laissant des employés désemparés.

Alors qu’en France la situation de l’emploi reste des plus préoccupantes, il est un phénomène qui gonfle sans raison aucune les mauvais chiffres du chômage : certaines sociétés ferment alors qu’elles sont en bonne santé économique. Chaque année, elles sont ainsi près de 3.500 à disparaître sans pourtant faire faillite. Et parmi elles, environ 400 restent un mystère pour beaucoup d'économistes spécialistes des PME : elles vont bien, elles sont rentables, mais elles disparaissent des écrans sans faire faillite ni être cédées à un repreneur.

"La société a coupé court à toutes discussions"

Dans certains cas, les propriétaires de ces entreprises veulent fermer et ne surtout pas voir un concurrent s’installer à leur place. C’est le cas de l’entreprise de céramique PCT basée à Selles-sur-Cher, dans le Loir-et-Cher. La société fabriquait des cuvettes et des lavabos depuis un siècle. Il y a quelques mois, le propriétaire suédois est parti, la production s'est arrêtée net.

"La société a coupé court à toutes discussions avec d’autres groupes, elle a annoncé dès le départ qu’elle refuserait tout repreneur", témoigne pour Europe 1 Hakim el Harim, l’un des 115 employés laissés sur le carreau. "Par contre, nous, on a fait un plan d’action, viable, qu’on a proposé, mais il a été rejeté par la société. Ils n’ont même pas ouvert le dossier", accuse-t-il.

Et à l’entendre, le cas de PCT n’est pas isolé. Rien que dans le département du Loir-et-Cher, il y a au moins une dizaine de cas similaires, qui représentent un millier d'emplois détruits sans raison économique objective. Au niveau national, impossible toutefois de recueillir des donnés comptables. Même le ministère de l'Industrie est incapable de fournir des chiffres là-dessus.

"Vous ne pouvez pas forcer un propriétaire à vendre"

Autre exemple, avec la papèterie M-Real, implantée à Alizay, dans l’Eure. Un conflit social est en cours, car 250 emplois sont menacés. Le propriétaire finlandais préfère fermer plutôt que vendre, alors que près de 80 repreneurs potentiels se sont déclarés intéressés ! "A partir de la mi-octobre, le vendeur a décidé de ne plus vendre ce site et a refusé de finaliser la négociation", explique Gilles Rolland, l’un d’entre eux. "Vous ne pouvez pas forcer un propriétaire à vendre quelque chose qui lui appartient. C’est dommage, parce qu’on pouvait sauver ces emplois."

Ce refus de vendre n’est pas le seul à expliquer des fermetures injustifiées économiquement. Une entreprise familiale peut ainsi fermer au départ de son emblématique président-fondateur, jugé irremplaçable. Ou une entreprise est tellement spécialisée qu'il n'y a pas vraiment de repreneur disposant du savoir-faire adéquat.

Au niveau national, il est pour l’heure impossible de recueillir des donnés comptables. Même le ministère de l'Industrie est incapable de fournir des chiffres précis. Ce phénomène prend en tout cas suffisamment d’ampleur pour que les politiques s’en emparent. Le sénateur de Seine-Maritime Thierry Foucaud travaille en effet sur une proposition de loi visant à forcer les entreprises qui ferment à vendre, dès lors qu'il y a des repreneurs intéressés.