Crash A320 : que se passe-t-il dans la tête d'un suicidaire ?

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Noémi Marois , modifié à
SANTÉ - Andreas Lubitz, pilote de la Germanwings, aurait volontairement crashé l'A320 dans les Alpes mardi. Si cette thèse se confirme, comment expliquer un tel geste ?

Huit minutes pendant lesquelles Andreas Lubitz a volontairement fait descendre l'avion jusqu'à l'impact fatal près du massif des Trois-Évêchés mardi. Huit longues minutes pendant lesquelles il n'a pas répondu aux appels désespérés du commandant de bord, coincé hors du cockpit. Si la thèse du suicide n'est pas encore prouvée, c'est l'hypothèse privilégiée par les enquêteurs d'autant plus que le copilote avait un lourd passif de dépressif, comme l'a révélé le journal Bild vendredi. Si cette thèse se confirme, comment expliquer ce suicide qui a entraîné dans la mort 149 autres personnes ? Explication avec Cécile Omnes, psychiatre au centre hospitalier Jean-Matin Charcot dans les Yvelines et membre du groupement d'étude et de prévention du suicide.

"Quand on est suicidaire, les autres n'existent...par Europe1fr

Un suicide altruiste ?  Même si Cécile Omnes rappelle que "c'est l'enquête qui va déterminer si effectivement, il s'agit d'un suicide", la spécialiste explique que "quand on est suicidaire, les autres n'existent pas forcément dans notre esprit". Cela dépend des motivations de l'acte, avance la psychiatre : "parfois quand le monde est vu comme particulièrement négatif par la personne suicidaire, faire disparaître les autres personnes peut être vu comme un geste de sauvetage".

C'est ce qu'on appelle le suicide altruiste : on pense rendre service aux autres en leur ôtant la vie. "Ça a existé, ça a été décrit déjà en 1899 par Emile Durkheim, ça fait partie des modalités mais ça n'est pas la seule", ajoute-t-elle.  Le cas typique du suicide altruiste est la personne qui tue toute sa famille avant d'en finir avec elle-même. La bouffée délirante ou le sentiment de puissance sont, quant à eux, sans doute à exclure, estime la psychiatre. 

Il n'y a "pas de place pour la peur". Les appels désespérés du commandant de bord, derrière la porte blindée ? "Nous ne sommes pas dans la tête du copilote", tempère Cécile Omnes  mais malgré tout, "il existe des moments où effectivement, la cognition du sujet fait que l'extérieur n'existe plus, on est totalement centré sur soi-même, sur son projet, sur ses préoccupations et les impacts extérieurs disparaissent totalement". 

Ce qui expliquerait aussi le calme apparent avec lequel  le copilote à précipité l'avion dans les montagnes. Les données de la boîte noire ont montré que jusqu'au moment du crash, Andreas Lubitz respire normalement. Ce qui n'étonne pas la psychiatre : "Quand vous avez un projet et que vous êtes déterminé, c'est là que vous êtes le plus concentré et il n'y a pas de place pour la peur".  

Pas forcément de signes avant coureurs. "En général, il faut 6 à 8 semaines pour aller de la crise suicidaire à l'acte suicidaire", estime la psychiatre pour qui "le lieu, le moment et la manière de se suicider est choisi à l'avance".  "Mais il existe parfois des suicides extrêmement brutaux", rapporte-t-elle.  

Des signes avant coureurs peuvent cependant exister. "La crise suicidaire découle de souffrances insupportables liées par exemple à une perte ou une rupture et passer à l'acte apparaît alors comme la solution ultime", rappelle la psychiatre. La personne devient alors "triste, renfermée, irritable voire colérique". Mais encore faut-il interpréter ces signes "puisque personne ne pense qu'un de ses proches va se suicider, ça n'est pas du tout une pensée normale". 

Une épidémie de suicide altruiste ? Le geste fou d'Andreas Lubitz pourrait-il en inspirer d'autres ? "C'est le grand risque", estime Cécile Omnes pour qui "plus on va en parler, plus on prend le risque de libérer cette pensée chez des tas de personnes qui sont actuellement en crise suicidaire, soit deux millions de personnes en France chaque année". Mais la psychiatre en appelle aussi à la raison en rappelant que le transport aérien est actuellement le plus sûr et qu'enfin, "une histoire individuelle" telle celle d'Andreas Lubitz "ne fait pas toutes les histoires".

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