Un espion peut-il mener une vie normale ?

Mathieu Kassovitz incarne un personnage secret, ce qui est aussi le cas avec les officiers de renseignement français.
Mathieu Kassovitz incarne un personnage secret, ce qui est aussi le cas avec les officiers de renseignement français. © Capture d'écran Canal+
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Thibaud Le Meneec
Pour l'historien du renseignement Bruno Fulgini, invité de Wendy Bouchard sur Europe 1, mardi, l'épreuve de clandestinité comme celle vécue par Mathieu Kassovitz dans la série "Le Bureau des légendes" "marque à jamais", en plus d'être une expérience qui empêche d'avoir une existence comme le commun des mortels.
LE TOUR DE LA QUESTION

Guillaume Debailly, Paul Lefebvre ou Malotru ? Dans Le Bureau des légendes, dont la quatrième saison est diffusée depuis lundi soir sur Canal+, le personnage campé par Mathieu Kassovitz a une double, voire une triple identité : son nom à l'état civil, sa "légende" pour les opérations qu'il mène et son nom de code au sein de la DGSE. Pour lui, au fil de la série, mener une existence normale alors qu'il part régulièrement en mission est presque impossible. Qu'en est-il dans la réalité ? Les spécialistes de cette question de l'espionnage et des services secrets en ont discuté dans Le Tour de la question avec Wendy Bouchard, mardi, sur Europe 1.

Des appartements clandestins à Paris. "On a une vie, mais ce n'est pas celle de tout le monde", tranche d'emblée Bruno Fuligni, historien du renseignement et auteur du livre Le Bureau des légendes décrypté. "À une époque, au temps du SDEC (l'ancien nom de la Direction générale de la sécurité extérieure de 1945 à 1982, NDLR), il était interdit de révéler à ses proches ce que l'on faisait. La règle s'est un peu assouplie, mais il faut rester extrêmement discret et prudent." Au début de la série, alors professeur en Syrie, Paul Lefebvre cache à sa relation qu'il est en réalité envoyé pour bâtir un réseau de sources pour "surveiller" le régime de Damas.

>> De 9h à 11h, c’est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l’émission ici

De retour en France, le personnage principal hérite d'un logement qui n'est pas vraiment le sien et où il doit habiter de manière extrêmement discrète, sous les radars. "La DGSE a des appartements clandestins à Paris", confirme sur Europe 1 Bruno Notin, auteur des Guerriers de l'Ombre (éditions Tallandier, 2017), essayiste et documentariste, spécialiste des services de renseignements.

"Cloisonner sa vie". Cette image de personnage secret, Mathieu Kassovitz la cultive tout au long des quatre saisons de la séries. Au point de devenir un homme taciturne, notamment à l'égard de la psychologue jouée par Léa Drucker. "Moins les officiers de renseignement en disent et plus ils protègent ceux qu'ils aiment", résume Bruno Fuligni. "Cela implique de cloisonner sa vie, ce qui est compliqué", en particulier pour la vie affective.

Dans la série, Guillaume Debailly ne communique pas toujours facilement avec sa fille, Prune. Quant à son ex-épouse, on sait très peu de choses sur elle, hormis le fait qu'il sont depuis longtemps divorcés. "Dans certains cas, il y a des mariages internes dans les services, qui simplifient d'une certaine manière la vie quotidienne", tempère Bruno Fulgini.

Une autre carrière impossible ? Peut-on, dès lors, imaginer Malotru quitter sa légende et revenir Guillaume Debailly a plein temps ? "On ne fait pas toujours ça tout le long de son existence. Les officiers de renseignement sont aussi des fonctionnaires qui peuvent à d'autres moments avoir une existence un peu moins stricte" au sein de la DGSE, analyse le spécialiste. "Mais l'épreuve de clandestinité marque à jamais. On n'en sort pas indemne comme on rompt un contrat de travail."