BEA : le rapport de la discorde

Le rapport du BEA ne satisfait ni les familles des victimes ni la compagnie aérienne.
Le rapport du BEA ne satisfait ni les familles des victimes ni la compagnie aérienne. © MAX PPP
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avec agences , modifié à
Le scénario du crash du vol AF-447 ne satisfait ni Air France ni les associations de victimes.

Dans son dernier rapport publié vendredi, le Bureau d'enquêtes et d'analyse (BEA) a identifié une série de défaillances des pilotes de l'Airbus pour expliquer l’accident du vol AF-447 Rio-Paris en 2009, qui a coûté la vie à 228 personnes.

Les enquêteurs français estiment que les pilotes n'ont pas apporté les bonnes réponses à deux types d’incident : la perte des indicateurs de vitesse et le décrochage de l'appareil. Une analyse qui ne satisfait pas Air France, déjà monté au créneau pour défendre son équipage, ni les familles des victimes.

Air France défend ses pilotes

Air France a immédiatement réagi en défendant le "professionnalisme" des pilotes. La compagnie met notamment en cause la fiabilité de l'alarme de décrochage de l'avion, dont "les multiples activations et arrêts" ont "fortement contribué à la difficulté pour l'équipage d'analyser la situation". Air France pointe pour sa part les "multiples éléments improbables" qui ont conduit à la catastrophe, dont le givrage des sondes Pitot, seule défaillance établie jusqu'à présent, qui ont conduit à "un environnement de pilotage dégradé et déstabilisant".

"L'équipage en fonction (...) a fait preuve de professionnalisme, en restant engagé jusqu'au bout dans la conduite du vol. Air France tient à rendre hommage à leur courage et à leur détermination dans ces conditions extrêmes", indique la compagnie aérienne.

Un rapport "contestable", selon les familles

Du côté des familles des victimes du crash, ce rapport du BEA est jugé "très contestable". Selon elles, il vise à dédouaner la responsabilité des industriels, a dit leur avocat, Olivier Morice. "S'il n'y avait pas eu les défaillances des sondes Pitot, les pilotes ne se seraient pas retrouvés face à une situation aussi complexe. Donc en ce qui me concerne, je considère que la part des sondes Pitot dans le crash est prépondérante", a déclaré Olivier Morice.

Prenant acte du fait que "le problème semble s'être déplacé vers la réaction des pilotes", le président de l'association Entraide et Solidarité AF447 s'est montré très sceptique. "Cette panne des sondes Pitot est un fait générateur qui induit beaucoup de pannes autres dans le système et toutes ces pannes n'ont pas été expliquées jusqu'alors", a précisé Robert Soulas.

Même réaction du côté de l'Association des victimes brésiliennes. "Nous rejetons la position du BEA qui met en cause le pilotage. Il y a eu faille mécanique et non pas humaine", a réagi son président, Nelson Faria Marinho, avant d'ajouter : "le BEA, chargé de l'enquête technique, a reconnu lui-même des problèmes dans les sondes Pitot. C'est une contradiction de rejeter maintenant la faute sur les pilotes".

La justice, et non le BEA, établira les responsabilités

La ministre de l'Ecologie et des Transports Nathalie Kosciusko-Morizet avait bien tenté de prévenir les procès d’intentions suscités par ce nouveau rapport en rappelant les règles du jeu : "le BEA établit des faits, sur la base de ces faits il établit des recommandations (...) La responsabilité des uns et des autres, c'est le rôle de la justice", a déclaré la ministre vendredi sur RTL.

Le gouvernement français a par ailleurs demandé vendredi que les autorités de surveillance examinent "sans délai" les recommandations de sécurité formulées par le BEA.