Avez-vous été escroqué par El Chapo ?

© Reuters
  • Copié
, modifié à
Le célèbre narcotrafiquant a blanchi de l'argent via des sociétés qui ont escroqué des milliers de personnes à travers le monde... dont la France.

Une vaste escroquerie. Ce sont les victimes collatérales d'El Chapo, le plus grand narcotrafiquant du monde, arrêté samedi au Mexique après treize ans de cavale. Des milliers de Français ont été impliqués, malgré eux, dans des opérations financières visant à blanchir l'argent du commerce de la drogue, soit plusieurs millions de dollars, révèle Rue 89.

Qui est à l'origine de l'escroquerie financière ? Le cartel mexicain de Sinaloa est suspecté d'avoir mis en place cette escroquerie financière pour blanchir de l'argent sale. Joaquin Guzman, le grand baron de la drogue mexicaine, dirigeait Evolution Market Group (EMG). Cette société offshore panaméenne gérait plusieurs sites internets spécialisés dans le marché des devises étrangères, comme Finanzas Forex ou Crown Gold.

Ces sites proposaient à des internautes de faire fructifier leur argent en investissant sur les marchés des devises étrangères. Et les promesses étaient alléchantes :  jusqu'à 20% de rendement par mois. "Je tâtonne avec quelques centaines d'euros et effectivement il y a un retour sympa de 10% à 12% le mois. Au total, j'ai dû mettre 15.000 euros", confie Jean-Pierre, un retraité qui souhaitait mettre sur pied un projet immobilier, interrogé par France Info.

Très vite, les investisseurs sont donc emballés. D'autant plus que ces sites fonctionnent sur un système de cooptation. C'est-à-dire qu'à chaque nouveau parrainage qu'il permet, l'investisseur touche une belle commission. Mais tout se gâte lorsqu'il souhaite retirer l'argent qu'il a fait fructifier. "Quand on a voulu retirer les fonds, il y avait du blocage. On ne pouvait plus rien retirer. Une société de contrôle nous a aussi alertés et c'est là qu'on s'est rendu compte qu'on était fichu", résume encore Jean-Pierre.

Combien ça a rapporté aux trafiquants ? Comme lui, ils sont des milliers en France à avoir investi des milliers d'euros, voire plusieurs centaines de milliers pour certains, sans jamais avoir revu la couleur. Rue 89 évoque notamment le cas de Jean-Marie, qui a perdu environ 740.000 euros, à cause de ces opérations financières malveillantes. Avec cette technique, le cartel aurait blanchi au total près de 150 millions d'euros, préalablement extorqués à ces petits investisseurs.

Une arnaque qui rappelle un certain Madoff ? Pour pouvoir placer leurs liquidités sur des comptes bancaires "propres", les escrocs avaient besoin de blanchir cet argent sale obtenu grâce au trafic de drogue. Ils se servaient ainsi de l'argent "propre" des investisseurs inscrits sur leurs sites, pour ensuite, l'échanger avec leur argent sale. Quand les investisseurs souhaitaient retirer leur argent, cela n'était pas possible puisqu'il avait été reversé aux escrocs. Ce type d'escroquerie à échelle mondiale repose sur le modèle de la "pyramide de Ponzi", utilisé notamment par l'homme d'affaires américain Bernard Madoff, condamné à 150 ans de prison en 2009.

Les victimes bientôt remboursées ? Pour faciliter le remboursement, Annie Gallecier, qui a perdu ses 25 000 euros d'économies dans cette arnaque, a créé en 2010 l’association Recours Escroqueries International (ARCES International). Sous l'étiquette de cette association, elle a engagé une action judiciaire en France. Selon elle, 82.000 Français ont été victimes de ce montage financier frauduleux. Et d'autres cas ont été recensés en Europe et en Amérique. Problème : les victimes hésitent à se manifester, notamment parce qu'elles effectuaient ces opérations dans le but de se soustraire au Fisc.

Annie Gallecier espère que l'arrestation d'El Chapo pourra permettre d'accélérer le remboursement des victimes. Mais rien n'est moins sûr. En octobre 2013, la justice américaine a saisi les avoirs des sociétés à l'origine de l'arnaque. Mais leurs deux dirigeants sont toujours libres. Les autorités américaines pourraient être tentées de fermer les yeux sur l'escroquerie en échange d'informations sur le cartel mexicain. "L’argent saisi est considéré suffisamment criminel pour le geler, mais pas pour le restituer", déplore l’avocat américain Francis Boyer, qui défend les intérêts de quatre Français.

sur le même sujet, sujet,

L'INFO - Le principal baron de la drogue arrêté au Mexique

ZOOM - "El Chapo", ennemi public numéro un

ZOOM - Concombres et valises roses, les dessous de l’arrestation d’El Chapo