Amesys rattrapée par son passé libyen

Spécialiste de l'informatique au service de la sécurité, Amesys est dans le viseur de la justice pour les outils d'espionnage qu'il a fournis à la Libye de Kadhafi.
Spécialiste de l'informatique au service de la sécurité, Amesys est dans le viseur de la justice pour les outils d'espionnage qu'il a fournis à la Libye de Kadhafi. © MAXPPP
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G.V. avec AFP , modifié à
Cette société, filiale de Bull, a aidé le régime Kadhafi et est suspecté de complicité de torture.

La justice française vient d’ouvrir une enquête judiciaire visant la société Amesys, une filiale du groupe français d’informatique Bull. Deux associations, la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) et la Ligue des droits de l'Homme (LDH), sont à l’origine de la procédure et leur accusation est lourde : Amesys est soupçonné d’avoir permis des actes de tortures en Libye sous le régime de Mouammar Kadhafi.

Qui est Amesys ? Il s’agit d’une filiale du groupe Bull, spécialiste de l’informatique pour les professionnels et en partie détenu par l’Etat français, qui a longtemps été le champion hexagonal des nouvelles technologies. Racheté en 2010 par Bull, Amesys est spécialisée dans les systèmes sécuritaires. En clair, il propose des outils pour surveiller les réseaux de téléphonie mobile et Internet, permettant ainsi de repérer des personnes ou des messages.

Qui lui est-il reproché ? Amesys a conclu un contrat avec la Libye de Kadhafi et installé en 2007 un système permettant d’espionner toutes les communications transitant par le réseau libyen. Problème, le régime Kadhafi s’est servi de cet outil technologique pour repérer les opposants et les interpeller. Le régime libyen ayant alors la réputation de torturer systématiquement ses prisonniers, deux associations ont donc décidé de poursuivre Amesys pour complicité de torture, assurant qu’il ne pouvait ignorer les pratiques du régime Kadhafi.

Qui a porté plainte ? La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) et la Ligue des droits de l'Homme (LDH). Les deux ONG avaient déposé plainte avec constitution de partie civile en octobre 2011, après les révélations fin août du Wall Street Journal.

Que répond Amesys ? L’entreprise a reconnu début septembre avoir fourni au régime de Mouammar Kadhafi du "matériel d'analyse" portant sur des "connexions internet". Mais Amesys s’est empressée de préciser que le contrat avait été signé dans un contexte de "rapprochement diplomatique" avec la Libye. En clair, ce contrat n’était à ses yeux qu’un volet d’une vaste opération de séduction menée par l’Elysée, Amesys n’aurait fait que suivre le mouvement.

Qui est en charge de l’enquête ? Céline Hildenbrandt, une juge du pôle spécialisé dans les crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide du tribunal de grande instance de Paris. Une autre plainte, notamment pour violation de la vie privée, avait été déposée à Aix-en-Provence par l'ONG Sherpa l'an dernier. Elle a été classée sans suite en mars à l'issue d'une enquête préliminaire.

Faut-il s’attendre à un vrai procès ? Difficile à dire, mais l’objectif des associations plaignantes est en partie déjà atteint : rappeler les choix d’Amesys et mettre la société face à ses responsabilités. Cependant, "nous déplorons qu'il ait fallu attendre sept mois avant qu'une information judiciaire soit effectivement ouverte sur un dossier portant sur des faits aussi graves", a tenu à rappeler Patrick Baudouin, président d'honneur de la FIDH.