Allinges : il aurait "préféré" mourir

© MAXPPP
  • Copié
, modifié à
PROCES - Le chauffeur du car percuté par un TER en 2008, faisant 7 morts, a témoigné vendredi.

La phrase. "J'aurais préféré partir avec eux que d'être là aujourd'hui. Parce que ça, c'est terrible." C'est en larmes, la voix tremblante, qu'a témoigné Jean-Jacques Prost au troisième jour du procès de l'accident d'Allinges qui avait fait sept morts. Le chauffeur du car, percuté par un TER à un passage à niveau en 2008, s'est dit dévasté par l'accident.

"En dix secondes, c'est parti." "On roule des années, on fait toujours attention et là d'un seul coup, en dix secondes, c'est parti", a poursuivi le chauffeur à la barre. Cariste pendant 18 ans, Jean-Jacques Prost, 54 ans, moustache et cheveux grisonnants, n'avait jamais perdu un seul point sur son permis de conduire avant l'accident du 2 juin 2008.

Regard dans le vide, débit haché, le chauffeur a répondu une heure durant aux questions du président, en cherchant souvent ses mots. "C'est des enfants que j'ai aimés. C'étaient les miens, quelque part, dans le car", a-t-il raconté. Jean-Jacques Prost s'est aussi adressé aux familles, en étouffant des sanglots : "Je tiens à leur dire que je partage avec eux ces moments de douleur, depuis le début".

Son récit de l'accident. Longuement interrogé sur ses différentes manoeuvres au moment de traverser le passage à niveau, le chauffeur a raconté avoir d'abord "cru à une blague" quand il a entendu une élève dire qu'une barrière se baissait alors que le car était engagé en plein milieu de la voie ferrée. Jean-Jacques Prost n'avait ni vu ni entendu les signaux de déclenchement du passage à niveau. "J'étais dans l'ignorance totale", a-t-il assuré. Freinant pour ne pas endommager le car, il n'a ensuite pas réussi à redémarrer, la pédale d'accélération restant "bloquée au sol". "Je me suis senti piégé", a-t-il répété à maintes reprises.

>> A lire aussi : Passages à niveau : où en est le chantier ?

L'enquête n'a pourtant pas révélé d'anomalie sur la pédale d'accélération du car. Et le récit de Jean-Jacques Prost n'est pas compatible avec le rapport d'expertise qui estime que le car est resté bloqué contre le trottoir après un braquage à droite. "C'est flou dans ma tête", s'est excusé le chauffeur en reconnaissant que les experts disaient peut-être vrai. "Le plus terrible pour moi, c'est que j'aurais pu faire quelque chose (...). C'est ça qui me ronge aujourd'hui", a-t-il dit.

Ne contenant plus ses larmes, Jean-Jacques Prost a aussi évoqué sa vie qui "s'est dégradée petit à petit" et les "regards des gens qui (le) croisent dans la rue et qui vous disent plus bonjour". Tremblant d'émotion, il a terminé son audition en pleurs, penché sur la barre du tribunal, la tête entre les mains