Agnès : une faute dans le suivi judiciaire ?

La mort d'Agnès a suscité une vive émotion au Chambon-sur-Lignon.
La mort d'Agnès a suscité une vive émotion au Chambon-sur-Lignon. © MAXPPP
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avec Arthur Helmbacher , modifié à
ENQUETE - Un expert assure que le suivi de ces dossiers relève de la "mission quasi-impossible".

C'est l'une des questions à laquelle l'enquête lancée par le ministre de la Justice Michel Mercier devra répondre : le lycéen de 17 ans suspecté du meurtre d'Agnès, déjà accusé de viol en 2010, était-il correctement suivi ? Le psychiatre et le psychologue scolaire qu'il voyait chaque semaine n'avaient en tout cas pas accès à son dossier et n'étaient pas en contact avec le juge. Un cas qui met en lumière les difficultés du système judiciaire pour suivre de tels cas.

"S'il y a prescription ou injonction de soin par le juge auprès d'un psychiatre ou d'un psychologue extérieur, ces derniers n'auront pas connaissance des éléments du dossier judiciaire", a décrypté sur Europe 1 Patrice Huerre, expert-psychiatre auprès de la cour d'appel de Versailles, auteur de Ni ange ni sauvage, les jeunes et la violence, chez Anne Carrière.

Le jeune homme peut "minimiser les faits pour lesquels il aurait à consulter" :

"Mission quasi-impossible"

Pour cet expert, le suivi relève de la "mission quasi-impossible". "Le psychiatre ou le psychologue imagine bien que s'il y a une injonction de soins de la part du juge, ce n'est pas juste parce qu'il a volé quelques pommes à l'étalage d'un marchand de fruits", indique-t-il. Le psy doit donc demander à son patient pourquoi il vient le voir. Mais "l'autre peut répondre absolument ce qu'il veut", affirme Patrice Huerre.

Dans cette affaire, l'information n'a visiblement pas circulé entre les différentes personnes en contact avec le lycéen. Fin 2010, celui-ci avait la possibilité de sortir de prison sous contrôle judiciaire, mais à certaines condition, dont celle d'être suivi psychologiquement. Autre condition : demeurer loin du Gard, où se trouvait sa victime présumée, et être scolarisé dans un internat. Pour cela, le père du jeune homme s'est tourné vers le collège-lycée Cévenol du Chambon-sur-Lignon.

Qu'avait décidé le juge ?

Et pour faire admettre son fils dans l'établissement, il a seulement dit qu'il avait fait quatre mois de prison, sans donner plus de précisions. Le directeur du collège-lycée, Philippe Bauwens, n'a pour sa part pas cherché à en savoir plus. "Je m'interdis de rentrer dans toutes les erreurs des jeunes", a-t-il affirmé sur Europe 1. "Je ne suis pas là pour replonger un élève dans son passé, je suis là pour essayer avec lui de trouver une solution d'avenir", s'est-il justifié.

Une autre question demeure : le juge a-t-il désigné, comme il en avait la possibilité, un "service éducatif", c'est-à-dire une équipe entière dédiée au suivi du jeune homme ? Ou a-t-il décidé de laisser le lycéen assurer lui-même son propre contrôle judiciaire, à la manière d'un adulte qui doit pointer au commissariat ? Pour faire le point sur ce dossier, une réunion se tiendra lundi après-midi à Matignon, avec les ministres de la Justice, de l'Intérieur et de l'Education.