Affaire Tapie : pourquoi Lagarde est visée

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C.B , modifié à
Des perquisitions ont été menées mercredi au domicile parisien de la directrice du FMI.

Après Claude Guéant, c'est au tour de Christine Lagarde, la patronne du FMI, d'être perquisitionnée dans le cadre de "l'affaire Tapie". L'ancienne ministre de l'Économie est soupçonnée d'avoir favorisé Bernard Tapie dans le règlement du contentieux l'opposant à l'Etat sur la revente d'Adidas par le Crédit Lyonnais, en 1993. Un arbitrage litigieux qui a permis à l'homme d'affaires de toucher 400 millions d'euros.

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A la demande des juges de la Cour de justice de la République (CJR) - a ouvert une enquête - des policiers se sont donc rendus chez la patronne du FMI, dans un immeuble de sept étages d'une rue cossue du XVIème arrondissement. "Mme Lagarde n'a rien à cacher", a commenté son avocat Me Yves Repiquet. Il s'est dit satisfait par "tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité et exonérer (sa) cliente d'une responsabilité pénale". L'avocat a par ailleurs précisé que sa cliente n'avait pas encore été entendue.

L'occasion pour Europe1.fr de revenir sur les éléments de l'affaire Tapie qui incriminent l'actuelle patronne du Fond monétaire internationale.

Le choix de l'arbitrage privé contesté. Le point du dossier qui interpelle les enquêteurs remonte à 2007. A l'époque, la procédure judiciaire qui oppose Bernard Tapie au Crédit Lyonnais, tourne à l'avantage de l'Etat. La Cour de cassation vient en effet d'annuler la décision de la cour d'appel qui octroyait 135 millions d'euros à Bernard Tapie.

Sauf que peu de temps après, Christine Lagarde, qui vient de succéder à Jean-Louis Borloo au ministère de l'Economie, décide de maintenir la décision de son prédécesseur d'accélérer la résolution du litige en se tournant vers une procédure d'arbitrage privée comprenant trois arbitres chargés d'encadrer un compromis entre les deux parties. Une décision prise à l'encontre de celle de son administration, rapporte FTVi. Selon un rapport de la cour des comptes, Christine Lagarde aurait dû consulter le Parlement avant d'opter pour un arbitrage.

Des arbitres anormalement favorables à Tapie. Autre point d'accroche : le choix des arbitres. Selon les investigations de la Cour de justice de la République rendues publiques par Mediapart en 2011, "le choix des arbitres n'apparaît pas conforme aux pratiques habituelles". La CJR souligne également les liens de deux des trois arbitres avec Bernard Tapie, une composition "d'emblée défavorable" à l'Etat.

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Lagarde refuse de faire recours. Résultat, cet arbitrage privé a accordé 240 millions d'euros au Groupe Bernard Tapie (GBT), auxquels s'ajoutent 70 millions d'euros d'intérêts et 45 millions de "préjudice moral". Une somme bien supérieure à la décision de justice rendue en 2005, qui était en effet bien plus favorable pour l'Etat. Pour autant, la ministre de l'Economie de Nicolas Sarkozy a refusé d'entamer un recours contre la décision du tribunal arbitral.

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Trois ans plus tard, la Cour de justice de la République est saisie et ouvre une enquête sur Christine Lagarde pour "complicité de détournement de biens publics et complicité de faux", des chefs d'accusation passibles de 10 ans de prison et de 150.000 euros d'amende, rapporte Le Figaro.

Des élus du centre et de gauche ont reproché à Christine Lagarde d'avoir choisi la voie de l'arbitrage privé pour régler ce litige, y voyant une "faveur" politique à l'égard de l'ancien ministre de François Mitterrand, qui avait créé la surprise en soutenant Nicolas Sarkozy en 2007. De son côté, Christine Lagarde a démenti toute malversation et a exclu de démissionner du FMI.  

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