À trois petits mois de la présidentielle, Marine Le Pen a dévoilé son projet. Pas moins de 144 "engagements présidentiels" qui reprennent souvent les antiennes du Front national. Mais la présidente du parti a aussi su s'adapter aux circonstances. Adoucir certaines propositions, lisser un discours trop radical qui contrevient à la stratégie de dédiabolisation mise en oeuvre depuis plusieurs années. Ou, à l'inverse, muscler d'autres aspects d'un projet destiné à la porter aux plus hautes fonctions.
Moins radicale sur la sortie de l'euro. En 2012, la critique de l'euro occupait tout un chapitre du programme de Marine Le Pen. "L'euro n'a tenu aucune de ses promesses", martelait alors la présidente du Front national, qui voulait d'une part "l'évolution" de cette monnaie commune et d'autre part le rétablissement du franc. Le tout aurait été proposé aux Français via referendum.
En 2017, la donne a changé. Marine Le Pen sait que son parti se heurte, au fil des élections locales, à une espèce de plafond de verre qui l'empêche de l'emporter même lorsqu'il arrive en tête au premier tour. Pour gagner, il lui faut élargir son électorat et conquérir notamment les personnes âgées et les CSP+. Deux catégories de population qui ont tendance à peu apprécier un discours trop radical sur la sortie de l'euro. Résultat, Marine Le Pen s'adapte et évacue assez vite la question dans son programme cette année. Ne mentionnant dans un premier temps que la "souveraineté monétaire" (mais aussi législative, territoriale et économique) de la France, elle ne précise que plus loin, en une phrase, vouloir le "rétablissement d'une monnaie nationale". Sans préciser si cela s'organisera par referendum.
"Sans souveraineté, pas de protection possible, pas d’action possible." #AssisesMLPpic.twitter.com/IUnyZ9yq4w
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 5 février 2017
Plus de mesures pour les PME. Il y a cinq ans, Marine Le Pen prônait déjà ce "patriotisme économique" qui reste une priorité en 2017. Mais cinq ans plus tard, la priorité a clairement été accordée aux petites et moyennes entreprises, qui bénéficient de beaucoup plus d'attention. La présidente du Front national veut notamment "alléger la complexité administrative et fiscale" qui pèse sur ces sociétés en réformant le compte pénibilité et en créant un guichet unique dédié. Le Crédit impôt recherche sera également "recentré vers les PME et les startups" et 2% de l'assurance-vie doit servir à alimenter le capital-risque des jeunes entreprises.
"On doit orienter 2% de l'assurance-vie vers le capital-risque, au profit des PME et des start-up." #SalonDesEntrepreneurs#SDE2017pic.twitter.com/SuxK2mMOEB
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 1 février 2017
Des mesures pour le pouvoir d'achat moins précises. Lors de la présidentielle précédente, Marine Le Pen assurait que tous les salaires jusqu'à 1.500 euros seraient revalorisés de 200 euros nets par mois. Une mesure "financée par l'instauration d'une Contribution sociale aux importations de 3% sur la valeur des biens importés".
En 2017, cette mention des 200 euros nets a disparu. Marine Le Pen lui préfère une "prime de pouvoir d'achat" à destination "des bas revenus et des petites retraites". Le mode de financement de cette prime, lui, reste inchangé. Par ailleurs, la mention d'une baisse de 5% des tarifs du train, annoncée en 2012, ne figure plus dans le programme de 2017.
Des changements du côté de la fiscalité. En 2012, Marine Le Pen voulait créer un impôt progressif unique sur le patrimoine, "fruit de la fusion entre la taxe foncière et l'impôt sur la fortune". Cinq ans plus tard, son programme annonce le maintien de l'ISF.
Concernant l'impôt sur le revenu, la priorité en 2012 était de le rendre "plus progressif, sans l'alourdir". En 2017, Marine Le Pen va jusqu'à promettre une baisse de 10% sur les trois premières tranches. En revanche, il n'est plus question de porter la tranche supérieure à 46%, un geste clair à destination des foyers les plus aisés.
Encore plus d'annonces pour les retraités. Les retraités ont toujours été ciblés par le Front national. Il y a cinq ans, Marine le Pen promettait une revalorisation des pensions, la création d'une nouvelle branche au sein de la Sécurité sociale pour prendre en charge la dépendance et une meilleure offre publique de maisons de retraite.
Cette fois-ci, la présidente du Front national ajoute une mesure pour "renforcer la solidarité intergénérationnelle" qui permettrait aux parents de transmettre sans taxation 100.000 euros à chacun de leurs enfants tous les cinq ans, et 50.000 euros à leurs petits-enfants, également tous les cinq ans. Actuellement, la législation est nettement moins avantageuse, puisque ces dons sans taxation ne sont possibles aux enfants que tous les 15 ans, et aux petits enfants que tous les 15 ans à hauteur de 32.000 euros.
Une nouvelle réforme constitutionnelle. Marine Le Pen a conservé quelques points de son programme de 2012 concernant une réforme constitutionnelle. Notamment la volonté d'introduire le référendum d'initiative populaire et la proportionnelle pour toutes les élections. Cinq ans plus tard, elle a rajouté de nombreux changements : l'abaissement du nombre de députés à 300 (contre 577 aujourd'hui), celui de sénateurs à 200 (contre 348). La présidente du Front national prône aussi la suppression des régions et l'inscription, dans la Constitution, de "la défense et la promotion de notre patrimoine historique et culturel".
"Je souhaite modifier le mode de scrutin, et mettre en place la proportionnelle aux élections législatives." @LCI
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 7 février 2017
Changement de formulation sur l'immigration. À première vue, rien n'a changé. Marine Le Pen voulait réduire drastiquement l'immigration en 2012, et veut toujours le faire en 2017. Mais la formulation est différente, et peut laisser entendre une autre interprétation. Il y a cinq ans, la présidente du Front national écrivait que "l'immigration légale sera réduite de 200.000 entrées par à 10.000 entrées par an". Aujourd'hui, elle ne parle que d'un "solde migratoire annuel de 10.000". Or, le "solde migratoire" désigne normalement la différence entre le nombre de sorties et le nombre d'entrées.
Aller plus loin sur la laïcité. En 2012 comme en 2017, Marine Le Pen veut inscrire dans la Constitution le principe d'une "République [qui] ne reconnaît aucune communauté". Il y a cinq ans, elle prônait également l'interdiction des "signes religieux ostentatoires" pour "les agents comme pour les usagers du service public".
Cinq ans plus tard, la présidente du Front national va plus loin puisqu'elle dit vouloir "rétablir la laïcité partout, l'étendre à l'ensemble de l'espace public et l'inscrire dans le Code du travail". La formulation est un peu floue mais cela pourrait signifier que tous les signes religieux sont proscrits quasiment partout sauf chez soi.
La fin du rétablissement de la peine de mort. Il y a cinq ans, c'était écrit noir sur blanc dans le programme : "La peine de mort sera rétablie, ou la réclusion criminelle à perpétuité réelle sera instaurée." En 2017, la proposition est nettement moins radicale. Marine Le Pen prône l'instauration d'une "peine de prison de perpétuité réelle incompressible pour les crimes les plus graves".
Plus rien sur l'IVG. Le droit à l'avortement était abordé dans le programme de 2012, tout en ambiguïtés. "Le libre choix pour les femmes doit pouvoir être aussi celui de ne pas avorter", écrivait ainsi Marine Le Pen, prônant "une meilleure prévention et information" et "une responsabilisation des parents". "La possibilité d'adoption prénatale doit être proposée", proposait-elle aussi. En 2017, tout cela a disparu.