Suspicion de vache folle dans les Ardennes : faut-il s'inquiéter ?

© Justin Sullivan / Getty Images North America / Getty Images
  • Copié
G.S. avec AFP , modifié à
Un cas suspect a été détecté à la mi-mars sur une vache Salers partie à l'équarrissage. 

La maladie de la "vache folle" est-elle de retour dans l'Hexagone ? Une suspicion de cas d'ESB, pour "encéphalopathie spongiforme bovine", est apparue dans un élevage des Ardennes. Ce cas suspect a été détecté à la mi-mars sur une vache Salers partie à l'équarrissage (mode de traitement des cadavres d'animaux morts dans les fermes, et donc non destinés à l'alimentation humaine), a indiqué mardi le ministère de l'Agriculture. La confirmation ou non de la présence d'ESB devrait intervenir d'ici huit à dix jours. Un prélèvement a été envoyé en Grande-Bretagne, pour y être analysé par le laboratoire de référence en Europe sur cette maladie.

>> Faut-il s'alarmer ? Pas vraiment, même si un cas avéré renforcerait le mystère qui entoure cette maladie et fragiliserait encore un peu plus un secteur déjà en difficulté.

Comment la "vache folle" peut-elle donc réapparaître ? Apparue dans les années 1980 au Royaume-Uni, l'ESB s'était étendue à de nombreux pays en Europe et dans le monde à cause de l'utilisation pour l'alimentation du bétail de farines animales contaminées par des carcasses broyées. Suspectée d'être à l'origine du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (une dégénérescence du système nerveux central potentiellement mortelle) chez l'homme, elle avait suscité l'inquiétude des consommateurs et entraîné une grave crise dans la filière bovine. Le seul terme de "vache folle" ravive dans les esprits l'image traumatisante des bûchers qui flambaient à travers l'Angleterre pour éliminer les carcasses d'animaux souillées ou supposées l'être. Des élevages entiers avaient alors été condamnés et certaines pièces de viande, comme les abats, avaient été boycottées et frappées d'embargo à l'exportation.

Depuis la fin des farines animales, seuls deux modes de transmission entre bovins ont été identifiés : la filiation et le contact avec un animal malade. Mais en 2011, un cas d'ESB avait été identifié en France sans que l'on puisse expliquer d'où venait la maladie. Deux autres cas étaient aussi mystérieusement apparus en Irlande en juin 2015, et du Royaume-Uni en 2013. Certains scientifiques avancent l'hypothèse de contamination par une eau polluée ou liée à des matières fertilisantes à base de farines animales dans le sol, mais sans preuve tangible

Y a-t-il un risque de propagation ? Dans l'attente de la confirmation, l'éleveur des Ardennes a été prévenu et son troupeau de 400 animaux "mis sous surveillance" à titre préventif par arrêté préfectoral, ce qui interdit tout mouvement des animaux concernés en dehors de l'exploitation.

Depuis octobre 2014, seuls les bovins âgés de plus de 12 ans, susceptibles d'avoir ingéré des farines animales avant leur interdiction totale, sont soumis au test de dépistage obligatoire imposé en 2001, ainsi que ceux morts hors abattoir, envoyés à l'équarrissage et âgés de plus de 4 ans. Ce qui était le cas pour ce bovin suspect des Ardennes, né en 2011.

Si l'ESB est avérée, tous les animaux ayant été en contact avec le sujet malade ou bien lié à lui par filiation -ascendants et descendants- devront être abattus, qu'ils se trouvent dans le même élevage ou dans une autre exploitation, ont expliqué à l'AFP des experts de la Direction générale de l'alimentation (DGAL, qui dépend du ministère de l'Agriculture). "En revanche, on n'abat pas nécessairement tout le troupeau, tout dépend de l'organisation de l'élevage", a indiqué la DGAL. "Mais il faut vraiment attendre les résultats de l'enquête, qu'on ait pu reconstituer tout le puzzle, l'historique de l'animal et ses conditions d'élevage."

Les experts soulignent aussi que "l'efficacité du dispositif" de maintien des tests sur les animaux envoyés à l'équarrissage, en plus de ceux pratiqués sur les plus âgés, permet de maintenir "un niveau de surveillance empêchant que des animaux malades passent à travers les mailles du filet". Les cas d'ESB sont "extrêmement rares chez les animaux super-naïfs", c'est-à-dire nés après l'interdiction des farines animales. Le nombre de cas d'ESB en Europe a immédiatement chuté après l'interdiction des farines animales, fin 2001.

Cela peut-il fragiliser la filière ? Les professionnels français, et notamment la Fédération nationale bovine (FNB), avaient beaucoup bataillé pour obtenir l'allègement des tests, obtenu en 2014. En effet, ils estimaient que ces tests stigmatisaient la viande française sur les marchés internationaux et entravaient sa vente. L'apparition d'un nouveau cas pourrait mettre à mal ces efforts de redorer l'image de la filière tricolore. En outre, en mai 2015, la France avait été requalifiée parmi les pays à "risque négligeable" pour l'ESB par l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Cette décision a notamment permis de rouvrir l'accès à des pays comme l'Arabie saoudite, le Canada, Singapour, le Vietnam ou l'Afrique du Sud. Si le cas des Ardennes était confirmé, la France repasserait dans la catégorie "pays à risque maîtrisé". Et verrait potentiellement se refermer tous ces marchés.