Après la mort d'un cinquième patient greffé du coeur, que va-t-il se passer maintenant pour le cœur Carmat ?

Le patient avait été implanté d'une prothèse Carmat fin août 2016.
Le patient avait été implanté d'une prothèse Carmat fin août 2016. © AFP
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Le cinquième patient greffé d'un cœur artificiel de la marque française Carmat est mort, a-t-on appris mercredi.

"C’est avec douleur que nous avons pris connaissance du décès du premier patient de l’étude PIVOT. Nous tenons à témoigner toute notre reconnaissance à ce patient ainsi qu’à sa famille". Le cinquième patient greffé d'un cœur artificiel de la marque française Carmat est mort, a annoncé le groupe dans un communiqué, confirmant une information d’Europe 1. Stéphane Piat, directeur général du groupe, a fait part aux familles de sa "douleur". Mais il n’entend pas baisser les bras pour autant. Quelles sont les étapes qui attendent la société désormais ? Europe 1 fait le point.

  • Les faits : un cinquième décès en trois ans

Le patient avait été implanté d'une prothèse Carmat fin août 2016. Selon une source médicale contactée par l’AFP, il "est mort environ un mois et demi après la transplantation". Avant lui, quatre patients avaient successivement reçu le cœur artificiel développé par la société française. Ils sont depuis tous décédés. Le premier patient, greffé en décembre 2013, est décédé 74 jours après l'opération menée à Paris, à l'âge de 76 ans. Le 2e, âgé de 69 ans, est mort en mai 2015, neuf mois après avoir été greffé à Nantes en 2014 et quatre mois après être rentré chez lui. Ces deux décès avaient été causés par une "micro-fuite de la zone sang vers le liquide d'actionnement de la prothèse", ayant engendré une "perturbation de l'électronique de pilotage des moteurs" du cœur artificiel, selon les analyses de Carmat.

Le 3e patient est subitement mort d'un arrêt respiratoire le 18 décembre 2015. La prothèse, "en parfait état de marche", n'était pas impliquée dans sa mort, liée à une insuffisance rénale chronique, toujours selon Carmat. Cet homme de 74 ans était rentré à son domicile fin août, après avoir été greffé du coeur artificiel le 8 avril 2015 à Strasbourg. Le 4e patient, âge de 58 ans, implanté à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, le 22 décembre 2015, était décédé de complications médicales, liées à son état critique pré et post opératoire, indiquait en janvier 2016 Carmat, précisant que la prothèse n'était pas impliquée dans son décès. "La prothèse ayant fonctionné normalement lors des trois dernières implantations, notre motivation à apporter une alternative à ces patients faisant face à une impasse thérapeutique totale ne cesse de croître", a commenté Stéphane Piat, directeur général de Carmat, cité dans le communiqué du groupe.

  • L’enjeu : la poursuite de l’étude pivot

Le cinquième patient décédé n’était pas un patient comme les autres. Il s’agissait du premier patient d’une étude dite "pivot", c’est-à-dire préalable à une autorisation de commercialisation. Pour commencer cette étude, les précédents patients devaient survivre 30 jours, ce qui avait été atteint de justesse. La phase pivot est censée porter sur au moins 20 patients, suivis pendant six mois, dans dix centres d'implantation en Europe. Or, ce premier patient de l’étude serait mort un mois et demi avant son implantation. Et l’agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) peut à tout moment mettre un terme à l’étude, si elle estime que la prothèse est directement responsable de la mort d’un patient.

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Carmat a d’ailleurs suspendu l'essai clinique suite à ce décès et "à la demande de l'ANSM", a précisé cette dernière. "Les analyses réalisées n'ont pas montré d'implication de la prothèse dans le décès du patient", assure de son côté le groupe de biotechnologie. Mais du côté de l’ANSM, contactée par Europe 1, on assure n’avoir aucun élément prouvant une telle affirmation. L’ANSM attend "les résultats des investigations qui sont conduites pour savoir si le cœur est en cause ou non dans la survenue de ce décès" et avant d'"éventuellement réautoriser de nouvelles implantations".

  • La question : quelle est la cause de la mort du patient ? 

Il s’agit donc désormais pour Carmat de prouver que son cœur artificiel n’est pas responsable de la mort du patient. Pour cela, il va analyser les données du cœur artificiel lui-même. En plus d’être une prothèse, le cœur Carmat est également un collecteur de données ultrasophistiqué. Rythme cardiaque,  circulation du sang, fonctionnement de la pompe de la prothèse, état des artères…  les équipes Carmat vont devoir communiquer tous ces éléments à l’ANSM pour  comprendre si le décès est dû à une erreur technique ou à l’état de santé du malade. Atteint d’une maladie cardiaque avancée, l’organisme du malade était en effet très faible.

Ce type de maladies peut, en effet, provoquer toutes sortes de maux : diabète, hypertension, caillot de sang etc. En clair, sa vie est en danger même si le cœur artificiel remplit parfaitement son rôle. Et c’est ce que cherche à savoir l’ANSM.

  • L’enjeu derrière l’enjeu : la situation financière de Carmat

Au-delà de l'aspect médical, l'enjeu financier est colossal pour la société française et ses investisseurs (dont la banque publique BPI Fracnce, qui a investi près de 40 millions d'euros) : Carmat était déficitaire de plus de huit millions d'euros mi-2015. L'accès à cette nouvelle phase de tests devait attirer de nouveaux investissements, publics comme privés. Mais ce cinquième décès sonne comme un énorme coup dur. Jeudi vers midi, l’action de la société française perdait plus de 12%, après une chute de 30% à l’ouverture des marchés.