Prothèses dentaires : des écarts de prix "conséquents"

Pour une couronne céramo-métallique, le type le plus répandu, les tarifs les moins chers sont généralement observés à Nîmes, Roubaix et Rennes. © WALTRAUD GRUBITZSCH / DPA / AFP
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G.S. avec AFP , modifié à

Le magazine 60 Millions de consommateurs a dénoncé jeudi des écarts "conséquents" des prix des prothèses dentaires, allant parfois jusqu'à plus de 30% selon les villes.

Mieux vaut se faire soigner à Nîmes qu'à Paris. Le magazine 60 Millions de consommateurs a dénoncé jeudi des écarts "conséquents" des prix des prothèses dentaires, allant parfois jusqu'à plus de 30%, sur la base d'une analyse des tarifs de 5.000 dentistes dans 40 villes françaises.

Nîmes, Roubaix et Rennes généralement moins chères. Pour une couronne céramo-métallique, le type le plus répandu, les tarifs les moins chers sont ainsi généralement observés à Nîmes, Roubaix et Rennes, tandis que les plus élevés sont pratiqués à Paris, Boulogne-Billancourt et Aix-en-Provence, selon le classement établi par le magazine. Le tarif le plus fréquent à Nîmes pour cet acte est de 519 euros, alors qu'il atteint 704 euros à Paris, soit un écart de plus de 30% entre les deux, relève le magazine à titre d'exemple.

"Les tarifs sont en totale déconnexion de la base de remboursement de la Sécurité sociale", critique 60 Millions de consommateurs. "Dans la majeure partie des cas", les remboursements des mutuelles et assurances santé complémentaires, qui s'ajoutent aux 75,25 euros pris en charge par l'assurance-maladie pour la pose d'une couronne céramo-métallique, ne suffisent pas à éviter au patient un reste à charge pouvant atteindre "plusieurs centaines d'euros".

Un écart lié aux différences de revenus médians ? Comment expliquer cet écart de prix ? Selon un récent rapport de la Sécurité sociale, cela peut s'expliquer notamment par une différence de niveau de vie de la clientèle des chirurgiens-dentistes, qui sont libres de pratiquer des dépassements d'honoraire et de fixer le prix qu'ils considèrent comme juste au regard de leurs savoir-faire et expérience.

"Les auteurs de ce rapport notent que la carte des taux de dépassement dans chaque département présente d’étroites similitudes avec celle des revenus médians de la population. Plus on se trouve dans un bassin d’habitation où les revenus sont élevés, plus le nombre des praticiens est important… et plus leurs tarifs explosent", explique 60 Millions.

" À aucun moment 60 Millions de consommateurs n'incite les lecteurs à tout mettre en oeuvre pour éviter la prothèse "

Des prix nécessaires pour éviter les "pratiques déviantes", assurent les dentistes. Mais pour les chirurgiens dentistes, le cri d'alarme poussé par le magazine de consommateur n'est pas sans risque. 60 Millions de consommateurs "oublie" que ce genre de conseils déjà donnés par le passé a poussé des milliers de patients vers des soins dentaires "low-cost", aux pratiques parfois "déviantes" comme dans l'affaire des centres dentaires Dentexia, aujourd'hui liquidés, a réagi la confédération nationale des chirurgiens-dentistes (CNSD). "A aucun moment 60 Millions de consommateurs n'évoque les 80% d'actes dentaires déjà sans reste à charge" et "n'incite les lecteurs à tout mettre en oeuvre pour éviter la prothèse en allant régulièrement se faire contrôler" ou en adoptant des bonnes pratiques d'hygiène bucco-dentaire pour prévenir l'apparition de caries, écrit la CNSD dans un communiqué.

Des négociations qui s'annoncent serrées. Les prothèses dentaires font partie des trois postes de soins pour lesquels Emmanuel Macron avait promis un "reste à charge zéro" durant la campagne présidentielle, avec les lunettes et les audioprothèses. Des négociations entre le ministère de la Santé, l'assurance-maladie et les professionnels de ces trois branches ont commencé à l'automne dernier, en vue d'obtenir des offres intégralement remboursées au sein d'un panier essentiel de ces soins. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a promis mardi des "annonces" début juin, à l'issue prévue de ces concertations.

Mais la partie est loin d'être gagnée. Selon un récent rapport de la Cour des comptes, les pouvoirs publics ont, ces dernières années, fait preuve d'une "faiblesse persistante" lors des dernières négociations sur les prix des prothèse. Il faut dire que la marge de manœuvre est limitée. La Sécurité sociale et les mutuelles ne pourront pas prendre en charge à elles-seules les remboursements, alors que le taux moyen de dépassements d'honoraire des spécialistes de l’orthodontie est évalué à environ 225 %.

Et les chirurgiens dentistes, qui se battent pour ce qu'ils estiment être une juste indemnisation de leurs pratiques, qui demandent un haut niveau de savoir-faire, n'ont pas l'intention de brader leurs tarifs. Lors de négociations tenues début 2017, ils réclamaient un geste de 2,5 milliards d'euros de l'Assurance maladie, en contrepartie d'une baisse de leurs dépassements. Mais celle-ci n'avait consenti qu'à mettre 800 millions d'euros sur la table. Autrement dit, "la marche à franchir est trop importante", avait regretté auprès de l’AFP Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD.