Ségolène Perruchio, cheffe de service des soins palliatifs au Centre hospitalier de Rives de Seine et vice-présidente de la SPAF, était l'invitée d'Europe 1 Matin mardi. 8:13
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Laura Laplaud
Un projet de loi sur "l'aide à mourir" sera présenté en avril en Conseil des ministres avant d'arriver à l’Assemblée nationale dès le 27 mai. Au micro d'Europe 1 Matin, Ségolène Perruchio, cheffe de service des soins palliatifs au Centre hospitalier de Rives de Seine et vice-présidente de la SPAF (Société française d'accompagnement et de soins palliatifs), raconte son quotidien auprès des personnes qui souffrent et qui demandent à mourir.

Dans un entretien accordé à nos confrères de La Croix et Libération, Emmanuel Macron a annoncé dimanche qu'un projet de loi sur la fin de vie sera présenté en Conseil des ministres en avril. Pour la première fois, le chef de l'État prend position sur un sujet de société majeur.

Dans le texte présidentiel, il ne s'agira ni d'euthanasie ni de suicide assisté mais "d'aide à mourir". Un accompagnement qui sera réservé aux personnes majeures, capables d'un discernement plein et entier. Autre condition, avoir une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme ainsi que des souffrances physiques ou psychologiques que l'on ne peut pas soulager. Après la demande du patient, une équipe médicale devra se prononcer.

"Ce n'est pas de ça dont les Français ont besoin"

Invitée d'Europe 1 Matin, Ségolène Perruchio, cheffe de service des soins palliatifs au Centre hospitalier de Rives de Seine et vice-présidente de la SPAF (Société française d'accompagnement et de soins palliatifs), s'est prononcée contre cette "aide à mourir". "Ce n'est pas de ça dont les Français ont besoin, ce n'est pas de ça dont nos patients ont besoin, nous qui sommes au quotidien confrontés à la fin de vie, on sait qu'on est capable, on sait le faire, [on sait] accompagner les gens correctement pour peu qu'on nous en donne les moyens", a-t-elle commencé.

"Les soins palliatifs peuvent être aussi la réhumanisation du soin"

Au micro de Dimitri Pavlenko, la vice-présidente de la SPAF se souvient d'un patient qui l'a marqué. "On a accueilli dans le service un patient atteint d'une maladie de Charcot. Ce patient avait une soixantaine d'années et il arrivait d'un Ehpad, qui n'était pas du tout adapté pour lui mais il n'y avait par d'autres solutions pour lui. Il est venu chez nous parce qu'il demandait à mourir, parce que les soignants d'Ehpad non formés, avec peu de moyens, ne savaient pas comment gérer cette demande", raconte-t-elle avant de poursuivre. "Quand il est arrivé chez nous, il a bien sûr réitéré cette demande mais au bout de quelques jours, il a complètement cédé, il a arrêté de la [l'aide à mourir] demander".

Pourquoi ? Ségolène Perruchio l'explique par l'intérêt porté au patient. "On l'a regardé différemment, ça paraît compliqué à comprendre mais on l'a regardé comme une personne. On l'a écouté dans ses souffrances, dans ses difficultés et on l'a rassuré sur les conditions de sa mort. On lui a dit qu'on serait à ses côtés, qu'on ne le laisserait pas s'étouffer ou ce genre de choses qui évidemment font très peur", se remémore-t-elle. Les soins palliatifs s'attachent à regarder le malade comme une personne dans sa globalité, rappelle-t-elle au micro d'Europe 1. "Les soins palliatifs peuvent être aussi la réhumanisation du soin", avance-t-elle.

"L'indignité, c'est le regard que la société pose sur ces gens"

Le projet de loi, présenté en avril en Conseil des ministres et qui arrivera à l’Assemblée nationale dès le 27 mai, comportera trois parties. L’une d’elles sera le développement des soins palliatifs. Selon un rapport de la Cour des comptes, cité par Ségolène Perruchio, aujourd'hui, en France, un patient sur deux qui devrait bénéficier de soins palliatifs ne peut pas en bénéficier. "Nous allons remettre les soins palliatifs au cœur de l'accompagnement", a affirmé le locataire de l'Élysée, qui annonce qu’une unité de soins palliatifs (USP) verra le jour dans les 21 départements qui en sont toujours dépourvus. Un milliard d'euros seront également investis. 

Selon un sondage Ifop pour le JDD, 70% des Français sont favorables à promouvoir une aide active à mourir. Un chiffre qu'explique la cheffe de service des soins palliatifs au Centre hospitalier de Rives de Seine par la "peur". "La mort fait peur. La finitude de l'homme reste quelque chose de complexe sur lequel les philosophes se sont penchés depuis des millénaires donc évidemment, ça fait peur. Aujourd'hui, la mort a disparu de nos sociétés et on a cette image que la mort est forcément souffrance, que la mort est forcément difficulté, que la perte d'autonomie est indigne. Effectivement, c'est dur, c'est même extrêmement dur, personne n'a envie de perdre son autonomie mais l'indignité, c'est le regard que la société pose sur ces gens", dénonce-t-elle.