maladie mentale 4:50
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Mélanie Gomez, édité par Ugo Pascolo
A l'occasion des journées de la schizophrénie qui se tiennent toute la semaine, Europe 1 fait le point sur ce trouble du cerveau, connu du grand public, qui véhicule encore de nombreuses peurs et un certains nombres de clichés.

C'est un trouble qui touche 660.000 personnes en France. La schizophrénie est une maladie psychiatrique connue du grand public, mais mal comprise et qui souvent fait peur. À l'occasion des journées de la schizophrénie qui se déroulent toute cette semaine, Europe 1 fait le point sur cette pathologie, la souffrance qu'elle engendre et sur les traitements qui permettent à un certain nombre de patients d'avoir une "vie normale".

Qu'est-ce que la schizophrénie ?

La schizophrénie est une maladie mentale qui fait partie de la famille des psychoses. Même si on estime qu'elle est présente dès la naissance et qu'elle est liée en partie à un facteur génétique, en général elle ne se manifeste pas avant l'adolescence. En moyenne, la première crise se déclare entre 15 et 25 ans. C'est ce qui est arrivé à Florent chez qui la schizophrénie a fait une irruption brutale dans sa vie, à 13 ans, alors qu'il est dans le bus pour se rendre au collège. "Au fond du bus, il y a une personne que je vois qui rigole avec son copain, mais comme je suis en crise, j'interprète ça comme quelque chose d'agressif", se souvient-il. "Et là il y a une voix qui fait dire à cette fille avec une frange [une hallucination, ndlr], mais quel con ce type !".

" Je vais me mettre en plein milieu de la route croyant que j'ai des supers-pouvoirs "

"Le problème c'est qu'au bout de cinq minutes, ce n'est plus seulement elle qui parle, c'est tout un grouillement : il y a plein de voix dans ma tête qui se mélangent, qui résonnent avec un son très grave", ajoute-t-il au micro d'Europe 1. "Je prends peur et je quitte le bus précipitamment, alors que je ne suis pas du tout arrivé au collège". Cette première bouffée délirante reste "invisible" pour les autres, mais un jour Florent va vivre une crise "qui va se voir" : "Je vais me mettre en plein milieu de la route croyant que j'ai des supers-pouvoirs et que les voitures vont me transpercer sans rien me faire", se souvient-il.

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"Ma maman va être consciente de la chose et va me projeter à terre alors qu'une voiture arrive. Elle m'a sauvé la vie ce jour-là, et c'est bizarre parce que je ne m'en souviens pas", explique cet aide-soignant de profession. 

Une violence rare

Les crises engendrant de la violence, elles, sont rarissimes, et ce sont plutôt la honte et le repli sur soi qui dominent les sentiments des malades.

" Pour moi, la schizophrénie, c'était être un débile mental ou un meurtrier abonné à la rubrique faits divers "

Car la schizophrénie isole socialement les personnes qui en sont atteintes : certaines finissent seules et ne sont pas diagnostiquées. Ce sont ces personnes que l'on peut voir au détour d'une rue, un SDF qui hurle dans la rue par exemple. Ces clichés alimentent notre peur de la maladie. "Ça arrive que des gens deviennent violents, mais c'est une part très infime, et il ne faut pas en faire une généralité", témoigne Florent.

Peut-on guérir de la schizophrénie ?

Il n'est pour l'instant pas possible de guérir de la schizophrénie, mais la moitié des patients arrivent à la stabiliser et ont une vie "normale". Florent en fait partie : à 38 ans, il gagne sa vie comme aide-soignant. "Je travaille, j'écris, je fais des conférences, beaucoup de sport, c'est une belle victoire", raconte-t-il en évoquant ses deux ouvrages, Obscure clarté schizophrenia et J'ai tendu la main. "Au début, quand le diagnostic est tombé, la vie s'arrêtait. Pour moi, la schizophrénie, c'était être un débile mental ou un meurtrier abonné à la rubrique faits divers. J'ai commencé à retrouver l'espoir et la lumière à partir du moment où ma perception de la maladie a changé. On n'est pas des gens dangereux, bien au contraire".

" On a différentes molécules qui font des symptômes un peu parkinsoniens avec des tremblements et des contractures "

Florent doit suivre un traitement. Quotidiennement, il prend un anti-psychotique qui agit directement sur son cerveau. Grâce à lui, il n'a plus aucune hallucination. Cela fait 14 ans qu'il n'a pas fait la moindre crise. Un traitement efficace dans 80% des cas, mais qui engendre des effets secondaires : "On a différentes molécules, dont certaines très anciennes, qui font des symptômes un peu parkinsoniens avec des tremblements et des contractures", explique Marine Raimbaud, psychiatre à l'hôpital sainte Anne à Paris. "Il y a aussi la prise de poids, les patients arrêtent souvent les médicaments à cause de ça ou des troubles érectiles".

Si de nouvelles molécules avec moins d'effets secondaires voient le jour, il reste encore "beaucoup à faire dans la recherche", souffle la psychiatre au micro d'Europe 1. Comme par exemple trouver une solution aux 20% de patients qui sont résistants aux traitements. Mais aussi mettre davantage de lits à disposition des malades dans les centres spécialisés, plus de médecins, développer les équipes mobiles, ces soignants qui vont suivre les patients une fois rentrés chez eux, notamment pour vérifier qu'ils prennent bien leur médicament. Mais pour tout ça, il faut plus de moyens.

La psychiatrie, comme d'autres secteurs de la santé, en manque depuis des années. Et l'annonce d'une rallonge de 40 millions d'euros de la part d'Agnès Buzyn a tout l'air d'un pansement sur une jambe de bois pour les soignants. D'autant qu'on ne connaît pas la répartition de ce financement.