Maigreur chez les enfants : comment les parents peuvent agir

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Entre 2006 et 2015, le nombre de jeunes de six à dix-sept ans en état de maigreur a bondi.

Les jeunes sont de plus en plus nombreux à être maigres, selon le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'agence sanitaire Santé publique France, paru mardi. Entre 2006 et 2015, le nombre d’enfants de six à dix-sept ans en état de maigreur est en effet passé de 8% à 13%. Cette hausse touche particulièrement les filles de 11 à 14 ans : dans cette catégorie, le taux de maigreur est quasiment multiplié par cinq en dix ans (de 4,3% à 19,6%).  "C'est essentiellement de la maigreur de grade 1 (juste sous les seuils de normalité), ce n'est pas de la maigreur pathologique, pas de l'anorexie", souligne à l'AFP l'épidémiologiste Benoît Salanave, de l'unité de surveillance nutritionnelle de Santé publique France. Même si elle n’est pas "pathologique", la maigreur n’est toutefois pas à prendre avec des pincettes.

Surpoids, obésité et maigreur sont mesurés selon l'indice de masse corporelle (IMC), qu'on obtient en divisant le poids par la taille au carré. Si le résultat est inférieur à 18,5, vous êtes considéré en état de maigreur ou "d’insuffisance pondérale". En clair, votre organisme n’a pas assez d’énergie pour fonctionner parfaitement correctement et vous risquez de contracter des carences alimentaire, de ressentir de la fatigue voire un retard de croissance. Mais les spécialistes mettent surtout en garde contre le risque psychologique : la maigreur est souvent le signe d’un malaise plus profond. Et les parents ont un rôle primordial à jouer.

La maigreur se combat dès l’enfance

"En consultation, dès l’âge de quatre ans, on peut trouver des enfants qui commencent à être préoccupés par leur ‘petit bidon’. Dans la cour de récré, les moqueries autour du poids commencent à l’âge de cinq ans", indique le pédopsychiatre Stéphane Clerget, contacté par Europe1.fr. Selon l’auteur de Comment renforcer la confiance en soi (éditions Limonades), l’obsession du poids doit donc se traquer dès le plus jeune âge. Et le premier conseil à donner aux parents, c’est avant tout de faire attention à leur propre comportement.

"Il faut commencer par balayer devant sa porte, ne pas paraître obsédé par sa propre image. Lorsque les parents évoquent leur poids, parlent de régime entre eux, l’enfant observe et enregistre", analyse Stéphane Clerget. "Une petite fille qui voit sa maman monter sur la balance tous les jours, elle va vouloir faire pareil. Il est donc impératif que les parents montrent l’exemple, qu’ils mangent de tout et qu’ils évitent les commentaires du type : ‘regarde-moi, j’ai des grosses cuisses’", renchérit Ariane Grumbach, diététicienne et auteure de La gourmandise ne fait pas grossir ! (éditions Carnet nord).

" C’est important de prévenir l’obésité. Mais il ne faut pas être dans l’excès "

Dès l’enfance, il y a aussi un discours à faire infuser dans l’esprit des enfants. Promotion de la diversité des formes, valorisation des comportements sains (faire du sport, manger équilibré, respecter l’autre etc.), remise en cause des médias qui font de la maigreur un canon de beauté… Toutes ces notions peuvent avoir un impact positif dès le plus jeune âge, où l’enfant est le plus à l’écoute de ses parents. "Si votre enfant se trouve trop gros, il faut le rassurer, lui dire que ce n’est pas grave et qu’il est très beau comme ça, qu’être belle/beau ne veut pas dire être très mince. Le discours inverse pourrait faire de gros dégâts", ajoute Ariane Grumbach.

"Il ne faut pas non plus paraître angoissé lorsque votre enfant mange une sucrerie, et ne pas toujours être derrière son dos. C’est important de prévenir l’obésité. Mais il ne faut pas être dans l’excès", conseille encore Stéphane Clerget. Et de poursuivre : "À l’école, lorsque votre enfant subit des moqueries, la réponse doit être collective. Il faut donc en parler aux enseignants et impliquer toute la classe et les autres parents, pout que ces moqueries cessent".

À l’adolescence, écouter sans critiquer

La maigreur n’est pas un mal en soi. Certain(e)s adolescent(e)s, par leur morphologie, peuvent d’ailleurs rester maigres malgré une alimentation très saine. "Mais ce qu’il faut surveiller, c’est le comportement. Ce que l’on doit éviter, c’est que l’enfant se prive, s’empêche de manger pour garder une silhouette très fine", précise la diététicienne.

A l’adolescence, la privation est en effet souvent le signe d’un malaise plus profond. Il est alors conseillé de surveiller l’environnement social de votre enfant, d’essayer de savoir s’il est bien intégré à l’école, dans ses activités extra-scolaires. "La maigreur peut être l’expression d’angoisses qui n’ont rien à voir avec le poids, dues à un manque de confiance en soir, au temps qui passe, à des questions de sexualité. Pour l’adolescent, il n’est pas facile de parler de ça. Il va donc avoir tendance à se préoccuper de son corps. Il est plus simple de s’occuper du corps que du reste, on a l’impression de le maitriser", décrypte le pédopsychiatre.

Face au mal-être d’un(e) adolescent(e), vis-à-vis de son poids, il y a d’abord un comportement à éviter absolument : faire des remarques sur son apparence. "Cela ne sert à rien de dire : ’tu es trop maigre ou trop gros(se)’. Il faut écouter, entendre l’adolescent, comprendre ce qui le préoccupe. À l’adolescence, la rébellion peut passer par la maigreur, l’adolescent peut se satisfaire de la désapprobation parentale. Il faut engager un dialogue et écouter votre enfant, en partant du principe qu’il n’a peut-être pas un regard objectif sur lui-même", martèle Stéphane Clerget.

Magazines, blogs, réseaux sociaux : éviter la censure  

Si le parent se sent seul face aux troubles rencontrés par son enfant, il peut alors se faire accompagner. Par un nutritionniste, qui assurera l’aspect préventif : "Il apportera des réponses aux préoccupations de l’enfant sur son poids avant que celui-ci ne s’en apporte tout seul en faisant n’importe quoi", dixit Stéphane Clerget. Ou par un pédopsychiatre, voire un psychologue des enfants, qui permettra de détecter un éventuel trouble sous-jacent.  Car les parents peuvent difficilement lutter seul contre un problème de société. "Par leur autorité les parents ont un rôle important, celui de dire à l’adolescent : ‘il faut que tu manges de tout’. Mais il y a des phénomènes qui les dépassent. Dans une salle de classe, lorsqu’il y a une fille très fluette, longiligne, toutes les autres vont vouloir lui ressembler. Par les magazines, les réseaux sociaux, les blogs, se créé un modèle de beauté qui va constituer la norme. Et quand on est adolescent, on a envie de se fondre dans cette norme", prévient la diététicienne Ariane Grumbach.

" Diminuer le temps que votre enfant restera scotché derrière son smartphone "

Faut-il, donc, interdire aux enfants l’accès aux réseaux sociaux et aux magazines de mode ? "Je ne suis pas certain que ce soit la bonne méthode", tranche le pédopsychiatre Stéphane Clerget. "Cela fonctionne mieux d’inciter les enfants à faire du sport ou d’autres activité, dans lesquels ils vont se sentir bien, développer une confiance en eux et cesser de se préoccuper uniquement de leur silhouette. Il vaut mieux leur rajouter des activités pour, mécaniquement, diminuer le temps que votre enfant restera scotché derrière son smartphone ou la télé", poursuit le spécialiste.

Pour  Ariane Grumbach, il ne faut pas hésiter non plus à s’intéresser aux réseaux sociaux, aux lectures et vidéos que consulte votre enfant. "Proposez de les regarder ensemble, parlez-en, créez un dialogue. Certains contenus peuvent même avoir un impact positif", estime la nutritionniste. Et de regretter : "Vous n’avez pas trop le choix, car malheureusement, en France, les vidéos faîtes par des professionnels sur la prévention à la maigreur restent limitées".

>> La diététicienne conseille tout de même ce clip, réalisé en 2007 à l’occasion du festival Clap Santé :