Les préliminaires peuvent être une source de tensions dans un couple. 5:14
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Catherine Blanc
Vendredi, dans "Sans Rendez-Vous" sur Europe 1, la psychanalyste et sexologue Catherine Blanc répond à Anaïs. Cette auditrice raconte qu'elle a des relations sexuelles avec un homme depuis trois ans, mais que celui-ci refuse de lui faire un cunnilingus parce qu'il ne prend aucun plaisir à en faire. Elle se demande donc comment réagir.

Les préliminaires sont une étape importante de la sexualité dans un couple. Dans "Sans Rendez-vous", la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc tente de comprendre pourquoi des pratiques comme le cunnilingus et la fellation repoussent certaines personnes.

La question d'Anaïs

"J'ai rencontré un homme il y a trois ans. Si je pratique la fellation, lui refuse de me faire un cunnilingus. J'essaie de comprendre sa réticence, mais il me dit qu'il ne prend tout simplement aucun plaisir à le faire. Dois-je arrêter les préliminaires pour qu'il se force à m'en faire ? Comment remédier à la situation ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Les couples ne se disputent pas nécessairement pour ça, mais en tout cas ils peuvent s'interroger. C'est tout bonnement ce qui se passe dans des relations : c'est, 'je suis plus généreuse que toi', ou 'tu ne me donnes pas ce que moi je te donne'. Ce qui pose la question de 'est-ce que je donne pour donner ou est-ce que je donne pour recevoir ?'. Sur le plan de la sexualité, on peut se demander : 'pourquoi, moi, je fais des fellations ? Est-ce que je les fais par générosité ? Est-ce que je le fais à l’encontre de ma propre envie ?' Encore une fois, rappelons-le, il n'y a aucun désir pour soi à faire une fellation.

Le désir n'est pas celui de la bouche, mais le désir de ce que cela va provoquer chez l'autre. Dans la mesure où elle fait des fellations et qu'elle aime ce que ça engendre chez lui, elle fait des fellations pour faire des fellations, non par pour recevoir un cunnilingus. Mais parfois, on peut vouloir dire 'je n'ai pas peur de ton sexe, je le trouve merveilleux. Rassure-moi, mon sexe est-il merveilleux et peux-tu me faire du bien comme je te fais du bien ?'

Son ami ne pourrait-il pas faire un effort ?

Je vous assure qu'une fellation ou un cunnilingus fait avec effort peut être pire qu'autre chose. Vous dites 'un minimum d'effort', je pense qu'il faut le faire vraiment. Si l'effort doit être fait, il doit être fait de bon cœur. On peut aimer faire l'amour, aimer l'autre, l'aimer profondément, avoir une tendresse infinie, mais avoir un problème avec l'idée du sexe dans sa bouche ou contre sa bouche. C'est bien au-delà de l'autre, ce n'est pas tout à un coup un déni où l'on se dit 'ton sexe est horrible'. Mais ça peut être extrêmement anxiogène. Ce n'est pas quelque chose de naturel et facile d'aller mettre sa tête entre les jambes d'une femme, contre le sexe d'une femme, sexe dont on est issu d'ailleurs.

Il y avait un film d'Almodóvar comme ça où il y avait une scène d'un homme qui allait vers le sexe d'une femme, et tout à coup il se voyait réabsorbé par le ventre féminin. Ça peut être extrêmement anxiogène, comme un pénis peut aussi être angoissant. On peut trouver que c'est sale, craindre de se faire uriner dans la bouche. On peut aimer vraiment profondément son ou sa partenaire, sans être en capacité de dépasser quelque chose qui est beaucoup plus inconscient, une peur enfantine inconsciente, qui vient nous déranger dans ce rapport au sexe et nous fait considérer que le sexe, ce n'est pas très approchable.

Que conseiller à Anaïs ?

Déjà, le terme "forcer" n'est pas possible. Dans la sexualité, la liberté s'arrête là où démarre la liberté de l'autre. C'est toujours un compromis, c'est toujours un deal entre deux personnes. Il faut dire : 'Je ne comprends pas pourquoi tu n'aimes pas, est-ce que c'est moi ? L'autre peut répondre : 'Ce n'est pas mon truc, je ne me sens pas à l'aise, ça ne me plaît pas, je ne sais pas faire.' Parfois, c'est seulement qu'on ne sait pas faire ! Dans ce cas, elle peut le guider.

Faut-il faire la grève ?

Si c'est la grève de la turlute, c'est-à-dire rigolo, pourquoi pas. Si par contre c'est 'moi je ne te donne plus rien, parce que tu ne me donnes pas', on rentre dans un bras de fer un petit peu stérile en réalité. La sexualité n'a pas nécessairement besoin de ça. Mais on peut dire : 'Tu vois, ça me plairait beaucoup, parce que moi j'adore ça, c'est dur pour moi d'y renoncer.' Mais on a tous des trucs qu'on ne peut pas faire dans la sexualité. Est-ce qu'il faut le faire au nom du fait que l'autre l'exige ? Je ne crois pas. C'est ça le compromis dans un couple."