Aborder la question de la sexualité avec ses adolescents n'est pas toujours facile. 6:00
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Catherine Blanc
Dans l'émission "Sans rendez-vous" vendredi sur Europe 1, Catherine Blanc répond à une auditrice qui se demande si la période du confinement est la bonne pour échanger avec ses adolescents sur la sexualité. Pour la sexologue, ce n'est vraisemblablement pas le cas, sauf à le faire avec finesse, devant des films par exemple.

Parler de sexualité avec ses enfants n'est pas toujours une mission facile pour les parents. Dans l’émission Sans rendez-vous sur Europe 1, la sexologue et psychiatre Catherine Blanc répond à la question d'une auditrice qui se demande si le confinement est la bonne période pour aborder ce sujet avec ses adolescents.

La question de Corinne

"J'ai deux adolescents : un de 13 ans et l'autre de 16 ans qui a une petit copine. Je pense que comme toute maman je m'inquiète, mais j'aimerais savoir s'il ne fallait pas profiter du confinement pour parler éducation sexuelle avec eux. Qu'en pensez-vous ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Ça n'est pas le bon moment, dans le sens où les adolescents sont dans la découverte de leur pulsion, dans la découverte de la sexualité projetée ou dans les premiers émois. Pour eux, se retrouver enfermés avec les parents est une source potentielle d'inquiétudes, puisque la peur de l'adolescent est que cela puisse concerner le parent, dans la mesure où son premier élan amoureux a été pour ses parents. La peur est que la sexualité se porte sur eux. Ce n'est donc naturellement pas le bon moment. Toutefois, c'est un moment où on se rencontre, où on a plus de temps pour déjeuner ensemble, pour échanger, regarder peut-être des films et en débattre. À ces occasions, on peut se poser des questions, on peut ouvrir les débats et là ça devient quelque chose d'intéressant. Mais ce n'est pas parce que nous sommes confinés qu'on va sortir la to-do list.

À 13 et 16 ans ils découvrent pourtant la sexualité...

Ils la découvrent, ils l'envisagent par tous les moyens, avec aujourd'hui internet. Qu'ils en aient la curiosité ou qu'ils soient contraints par les copains et les copines. C'est vrai que c'est dans leur environnement. Pas toujours avec leur disponibilité émotionnelle. C'est parfois un peu contraint par la masse. Donc il n'est pas question que les parents participent à ça. Mais comme évidemment le groupe des copains et des copines manque, on peut peut-être parler des amoureux ou des amoureuses. Mais il ne faut pas que les parents soient trop lourds en disant : 'Alors ? Tu m'as pas dit, tu as un amoureux ?' ou 'Tu as une amoureuse ?'

En tant que parent, comment surmonter sa pudeur pour parler de la sexualité aux enfants ?

Là, j'alerte pour ne pas envahir nos enfants. Mais il n'est pas question que cette alerte soit entendue comme la nécessité d'une pudeur extrême. Pour le parent aussi, c'est compliqué de partager avec l'enfant les sujets de la sexualité parce que c'est déjà parler de sa propre sexualité, quand bien même on en parle pas directement. Le fait d'aborder le sujet révèle qu'on a soi-même une sexualité. Il faut donc toujours ouvrir la porte en demandant : 'As-tu des questions ?'. Les films peuvent être un bon appui, car il y a des histoires sur lesquelles on peut débattre sans parler de nous.

Est-ce le moment de leur parler des maladies sexuellement transmissibles ?

Je crois que la barque est pleine. Je crois qu'on a suffisamment alimenté l'anxiété et la peur de l'autre et de la contagion que représente l'autre. La question est plutôt d'évoquer bien évidemment la question du désir individuel, de son désir à soi et de la légitimité de ce désir et le temps à lui accorder pour que justement se fasse la paix de l'adolescent quand il rentrera dans le champs de la sexualité. Plus un adolescent est en paix, moins il fait n'importe quoi. Je crois que ce n'est pas en faisant peur aux gens qu'on les aide à se protéger. Au contraire, on suscite pour les uns l'enfermement et l'inhibition et pour les autres le "même pas peur" et la posture autodestructrice et de bravade qui, elle, est dangereuse.

L'épidémie est angoissante aussi pour les ados...

Bien sûr, il y aura des baisers à échanger, des salives à échanger... On sait très bien que la salive contient moult bactéries et heureusement parce qu'elles font partie de notre système de défense. Mais la question n'est évidemment pas de parler bactéries, contamination, contagion...