Parler de sexualité avec ses enfants n'est pas toujours simple pour les parents. 5:44
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Catherine Blanc
Mercredi, dans "Sans Rendez-Vous" sur Europe 1, la psychanalyste et sexologue Catherine Blanc répond à Louise. Cette auditrice raconte avoir eu une discussion avec sa fille lycéenne de 18 ans sur sa sexualité. Louise s'inquiète de certaines pratiques dont sa fille a fait l'expérience et se demande comment réagir.

Pour les parents, il est bien souvent difficile de savoir comment aborder l'intime et la sexualité avec leurs enfants. Dans "Sans Rendez-vous", la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc tente de comprendre comment il faudrait réagir lors de discussions sur la vie sexuelle de ses ados.

La question de Louise

"Ma fille est au lycée et a 18 ans. L'autre jour, j'ai abordé avec elle sa vie amoureuse et sexuelle. Elle m'a confié avoir déjà eu des rapports et même une fois avec deux garçons en même temps. Cela m'inquiète, j'ai l'impression d'avoir raté quelque chose dans son éducation, que dois-je faire ?"

La réponse de Catherine Blanc

"Je ne suis pas sûre que la maman ait demandé des détails, en tout cas elle les a eus. A partir du moment où on pose la question 'est-ce que tu veux qu'on en parle ? Est-ce que tout va bien ? Comment ça se passe pour toi ? Est-ce que tu as déjà eu une expérience sexuelle ? Il faut que ce soit pour vérifier que tout va bien, que son enfant n'est pas brusqué dans quoique ce soit, qu'il ne sent pas contraint. Si l'enfant botte en touche en disant 'Oh, ça va ! Je te dirai ou je ne te dis pas', on s'arrête là.

Là, en l’occurrence, sa fille affirme avoir eu des relations sexuelles, dont une fois avec deux garçons. Cela pose plusieurs questions. Cela pose le souci de l'envie de provocation éventuelle et de pourquoi l'enfant a besoin d'être force de détails comme ça. Est-ce que c'est pour déranger, titiller, mettre mal à l'aise sa maman ? Ou est-ce que c'est une jeune fille qui a besoin de dire tout, car elle croit qu'aujourd'hui être grand c'est être du côté de ceux qui font l'amour, et ceux qui font l'amour se disent ce qu'ils font, ce qu'ils sont capables de faire. C'est un peu comme ça que les jeunes gens ont tendance à s'aborder. Parfois même, ils se transmettent leur CV sexuel : 'je suis capable de ça, j'ai fait ça', comme une preuve qu'ils sont des adultes.

Dans ce cas, il faut pouvoir dire : 'Écoute ma chérie, puisque tu me dis ça, je m'inquiète. Est-ce que c'était ton souhait ? Est-ce que tu étais contrainte ? Ou est-ce que tu te sens obligée de me raconter des choses, parce que dans votre génération vous avez tendance à vous raconter un peu tout ?'

Comment répondre dans une telle situation quand on est parent ?

Si on fait des yeux de lapin dans les phares d'une voiture et qu'on arrive avec le sifflet dans la bouche pour dire 'Halte-là !', c'est anormal. On peut dire qu'on est surpris parce que généralement au début d'une sexualité, on ne commence pas par la fin, on y va progressivement. Peut-être qu'à ce moment-là il faut dire : "Je ne juge pas, mais je suis surprise. Dis-moi pourquoi ça s'est passé comme ça et si c'était ton souhait. On n'est pas obligés de faire tout ce que les uns et les autres désirent. Maintenant, si c'était ton désir, qu'est-ce que ça raconte ? Veux-tu en parler avec moi ?'

D'ailleurs, qu'est-ce que ça raconte ?

Ça peut-être tout simplement que cette jeune fille a besoin de prouver qu'elle est capable. C'est ça le drame de la jeunesse. Comme on vient de quitter l'enfance, on veut prouver qu'on est déjà un adulte et qu'on est capable de tout. Souvent, par conséquent, on s'emmène sur des rives qui sont beaucoup trop éloignées de ses capacités personnelles. Souvent, c'est 'je veux plaire, je veux montrer que je suis à la hauteur et ne pas être détrônée par une autre qui en serait capable'. Souvent, on fait des bras de fer avec des inconnus qui n'existent d'ailleurs pas pour avoir une allure mature. C'est en ça qu'il ne faut pas juger son enfant. Il faut l'aider à exprimer les choses pour pouvoir le protéger de lui-même.

Est-ce que les jeunes ont une relation différente au corps et à la relation sexuelle ?

Ce qui est souvent plus douloureux pour les jeunes, ça va être d'être tombé amoureux ou amoureuse et que le garçon ou la fille l'ait quitté(e) par exemple. Avoir envie d'écrire des lettres d'amour peut être beaucoup plus engageant que la sexualité pour cette génération. Parce qu'aujourd'hui, on parle beaucoup de sexualité, elle fait partie des us et coutumes. Ce qui est plus intime, c'est ce qui est plus émotionnel. Du coup, les jeunes déshabillent la sexualité de tout l'émotionnel, qui est pourtant le fondement même de la sexualité. Conséquence : ils font tout et n'importe quoi concernant le corporel, comme s'ils en oubliaient que c'est leur corps."