LA QUESTION PSYCHO - Comment lutter contre la déprime pendant le confinement ?

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Catherine Blanc
Au micro de Mélanie Gomez, la psychanalyste et sexologue Catherine Blanc donne ses conseils à Solène qui ne voit plus ses parents pendant le confinement. Ne pouvant plus les aider au quotidien et leur témoigner son amour, elle se sent triste et aimerait combattre ce sentiment. 

>> Le confinement contre le coronavirus complexifie notre quotidien et nous interdit une multitude de choses. Notamment de voir les proches qui ne vivent pas avec nous. C'est le cas de Solène, qui a l'habitude de voir régulièrement ses parents mais ne peut plus leur rendre visite. Elle se sent déprimée. Dans "Sans Rendez vous" ce mardi sur Europe 1, la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc tient à la rassurer et l'encourage à profiter de ce moment particulier pour revoir le regard qu'elle porte sur elle-même.

La question de Solène

Mes parents, que j'ai l'habitude de voir régulièrement, me manquent et je m'inquiète pour eux. Pourquoi en ce temps de confinement, je sens la déprime monter ? N'est-ce pas dû à l'absence de liens d'affection avec mes proches ? 

La réponse de Catherine Blanc 

"On est face à quelque chose que l'on a peu l'occasion d'expérimenter : le face à face avec soi-même. On ne peut alors que constater la valeur qu'ont les autres pour nous, pour notre sécurité, notre maintien et notre regard sur notre valeur personnelle. C'est donc une bonne occasion d'observer que nous donnons trop l'occasion à l'autre de nous faire être. Quand je dis 'donner l'occasion', ce n'est pas lui donner du pouvoir, c'est que nous conférons aux autres le regard qu'ils portent sur nous et la valeur ainsi qui est la nôtre. Il faudrait pourtant nous doter nous-mêmes de qualités et de compétences, vivre chaque jour une petite victoire dans tout ce que nous savons faire tout seuls, sans les autres."

Se dire que cette distance avec ses proches est utile peut-il nous consoler ? 

"Il est important de se dire que ne pas voir les autres sert à les protéger. Nous n'avons pas toujours de rôle à jouer au quotidien aux côtés de ses parents. Ils peuvent faire sans nous. Nous pouvons toutefois témoigner de notre amour dans cette distance. C'est l'occasion de la témoigner de façon différente. Nous ne sommes pas obligés d'être dans la proximité, dans l'embrassement systématique des uns et des autres pour témoigner de notre amour.

C'est une occasion merveilleuse pour comprendre que l'amour n'a pas besoin de manque de distance. Car même dans la distance, nous pouvons continuer à nous aimer les uns et les autres et faire l'expérience de nous aimer nous-mêmes. Souvent, nous ne nous aimons que parce que nous pouvons noter l'amour que l'on nous porte et l'importance que nous avons pour les autres. C'est intéressant que chacun apprenne à faire avec lui-même et dans la douceur des plaisirs : on se téléphone, on se rappelle nos bons souvenirs avec les autres, on se promet des choses à venir. Prendre soin de nous c'est aussi prendre de la distance bienveillante."

Dans ces moments-là, le sentiment d'impuissance peut aussi être insupportable...

"Certainement, surtout si les parents sont âgés, en difficulté et manquent d'autonomie. Il nous semble indispensable d'être toujours là. Un sentiment de culpabilité peut alors nous gagner, dès lors que nous ne sommes pas en capacité, puisqu'interdits, d'être auprès d'eux. C'est l'occasion pour chacun, les jeunes comme les plus vieux, de réaliser qu'ils peuvent faire les uns sans les autres, sans pour autant manquer d'amour et en reportant à plus tard ce qu'ils pourront s'apporter physiquement. On s'apporte beaucoup simplement par le fait de penser les uns aux autres. Ce sentiment de se dire que l'on se sent impuissants à aimer nos parents, c'est nourrir l'idée que nous serions tout puissants à les secourir absolument. Nous ne sommes ni impuissants ni tout puissants. Nous aimerions tellement avoir la capacité d'être le super-héros de ceux que l'on aime et nos parents en premier." 

Cette tendance touche-t-elle d'abord les personnes sujettes à la déprime ? 

"Il est vrai que certains ont des propensions aux vagues à l'âme voire à la déprime ou à la dépression. Mais nous avons tous connu ce genre d'épisodes dans notre toute petite enfance, notre adolescence et à des moments clés de notre histoire et celui du confinement peut aussi en être un. Nous pouvons tous être touchés par cela, surtout quand on perd un peu de son activité. Quand on est très actif, on ne s'en rend pas compte. On peut toujours s'évaluer beaucoup plus solide que son voisin ou sa voisine. Mais c'est tout simplement parce que nous avons des occasions de fuite que nous offre par exemple notre travail ou nos préoccupations avec nos enfants. Pour autant, cela ne veut pas dire que si d'un coup, tout se calmait, tout s'apaisait, ce ne serait pas toujours confortable."