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Sur Europe 1, Albert Moukheiber, docteur en neurosciences cognitives et psychologue, explique qu'il faut parfois relativiser les moments où l'on se sent moins bien. Un réflexe pas toujours simple.
INTERVIEW

Apparition du "Chief Happiness Officer", pratiques de développement personnel en expansion, injonction à se sentir bien malgré les difficultés de la vie : se trouve-t-on en pleine dictature du bonheur ? L'ouvrage Happycratie avait déjà évoqué cette possibilité. Sur Europe 1, Albert Moukheiber, docteur en neurosciences cognitives et psychologue, s'il ne va pas aussi loin, met lui aussi en garde contre ce culte du bonheur à tout prix.

"Deux semaines consécutives où l'on broie du noir"

"Il y a une différence fondamentale entre une déprime normale et pathologique. On est dans une ère où il y a une espèce de dictature du bonheur : on n'a pas le droit d'aller mal. Cela devient un peu absurde", estime-t-il. Pour autant, Albert Moukheiber reconnaît qu'il ne faut pas normaliser un état dépressif, mais que la dépression répond à des symptômes bien précis.

"Dans les critères diagnostiques, la dépression se caractérise par deux semaines consécutives où l'on broie du noir, où l'on a une hypersomnie ou une hyposomnie (on dort trop ou pas assez, ndlr), l'appétit qui est coupé, etc", liste le spécialiste. "On a une prépondérance des émotions négatives mais surtout, une incapacité à ressentir des émotions positives. Dans ce cas-là, il faut en effet consulter", indique le docteur en neurosciences cognitives.

"C'est normal d'aller mal"

Basé sur son expérience, Albert Moukheiber souligne que certains de ses patients le consultent pour des cas qui n'ont rien à voir. "Des personnes qui sont déprimées car elles ont perdu un être cher, depuis moins de 3 à 4 semaines, ça s'appelle un deuil et c'est normal", rappelle-t-il. "Ou des personnes qui travaillent du matin au soir, et qui me disent : 'je mange bien, je fais du yoga, je fais mon sport, mais je vais mal'. C'est normal d'aller mal, car nous n'avons pas des capacités illimitées", ajoute le psychologue.

Dans le cas de ces patients, Albert Moukheiber fait valoir que les discours ambiants peuvent brouiller la manière que l'on a de ressentir les choses. "Il faut sortir de cette dictature du bien-être permanent où l'on s'attend, si on fait A+B+C+D, à ce que la machine marche tout le temps et que, si elle ne marche pas de manière optimale, c'est que l'on a un problème", explique-t-il.