EXCLUSIF - Cancer : 13 chirurgiens disent stop aux chirurgies illégales

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TRIBUNE - A l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le cancer, treize spécialistes tirent la sonnette d'alarme et réclament l'arrêt des chirurgies illégales effectuées par des hôpitaux ou des cliniques qui n'en ont pas l'autorisation.
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>> En finir avec les chirurgies illégales du cancer. C'est ce que réclament dans cette tribune publiée en exclusivité sur notre site treize chirurgiens spécialisés à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre le cancer. Selon un rapport de l'Assurance maladie, 115 services sur les 571 qui ont facturé la chirurgie du cancer du sein en 2014 n'avaient pas d'autorisation de le faire. "La chirurgie d’un cancer nécessite une expertise technique que seuls un enseignement et un entrainement intensifs et spécialisés peuvent produire (...) On fait bien en chirurgie ce que l’on fait souvent, on fait bien en ébénisterie ce que l’on exécute souvent", argumentent-ils.

"La chirurgie des tumeurs solides doit être effectuée par des chirurgiens spécialisés dans un environnement spécialisé.

Nous consacrons notre temps à la chirurgie des cancers, et tirons de notre expertise clinique, scientifique et pédagogique la conclusion que nous devons offrir aux femmes et aux hommes atteints de cancer une prise en charge par des chirurgiens spécialisés.

La chirurgie d’un cancer nécessite une expertise technique que seuls un enseignement et un entrainement intensifs et spécialisés peuvent produire. Un chirurgien du cancer doit maîtriser des techniques très diverses, dépassant le plus souvent le champ de sa propre spécialité d’origine afin de réaliser une intervention assurant le retrait total de la tumeur, sans dissémination, sans fragmentation, avec un taux de complications contrôlé et des séquelles limitées. L’acquisition de cette expertise ne peut se faire que dans des structures prenant en charge un nombre important de patients au contact de chirurgiens déjà expérimentés et provenant de spécialités diverses. Cette expertise se nourrit d’une transversalité étendue et d’une interaction quotidienne entre chirurgiens. Il est donc nécessaire pour offrir une prise en charge idéale que non seulement un chirurgien qui souhaite se consacrer au cancer ait une formation spécifique, mais qu’il exerce dans une structure au contact de collègues nombreux aux spécialités différentes.

Entendu sur europe1 :
On fait bien en ébénisterie ce que l’on exécute souvent. La chirurgie d’un cancer ne peut être parfaitement exécutée que si l’opérateur connaît et comprend la maladie de son patient

La chirurgie d’un cancer consiste en la réalisation d’un geste technique qui sera parfaitement exécuté à force de répétition. On fait bien en chirurgie ce que l’on fait souvent, on fait bien en ébénisterie ce que l’on exécute souvent. Toutefois la chirurgie d’un cancer ne peut être parfaitement exécutée que si l’opérateur connaît et comprend la maladie de son patient. En effet la connaissance accrue de ces maladies a révélé une très grande complexité et une très grande diversité. On ne parle plus d’un cancer du sein mais de multiples sous-types de cancers du sein, on ne parle pas d’un sarcome mais de multiples sous-types de sarcomes, on ne parle pas d’un cancer du côlon mais de multiples sous-types de cancers du côlon, de même pour l’ensemble des tumeurs solides. Cette très grande diversité nous amène à un exercice chirurgical, spécialisé, exclusivement consacré à ces maladies.

Au-delà de la seule spécialisation du chirurgien et afin d’offrir la meilleure prise en charge chirurgicale au meilleur moment du parcours de soin, il est dorénavant nécessaire d’exercer dans un univers multidisciplinaire également très spécialisé. Nous ne pouvons pas réaliser une chirurgie du cancer optimale sans exercer au contact de radiologues, de pathologistes, de généticiens, de biologistes, d’oncologues médicaux, de radiothérapeutes eux-mêmes spécialisés. Enfin, la connaissance de ces maladies augmentant très rapidement, la proximité avec des médecins chercheurs et des chercheurs devient de plus en plus nécessaire afin d’améliorer chaque jour un peu plus le parcours de soin.

Entendu sur europe1 :
En cette journée du cancer, nous appelons à une réorganisation majeure de la chirurgie du cancer

D’aucuns considéreront cette tribune comme un acte visant à protéger nos propres structures, nos propres intérêts et à amplifier notre recrutement. Il n’en est rien.

Aujourd’hui les publications scientifiques démontrant la différence de survie entre une chirurgie effectuée par une équipe spécialisée et une équipe non spécialisée sont légion et cela dans tous les types de tumeurs solides. Les chances de survivre au cancer sont bien supérieures lorsque l’on est pris en charge par des équipes spécialisées. Il ne s’agit pas d’un avis mais d’une constatation établie qui devrait appeler à un changement organisationnel drastique. On meurt d’une chirurgie du cancer mal exécutée.

 

Les équipes spécialisées ne pourront pas absorber seules l’ensemble des patients ne bénéficiant pas d’une prise en charge optimale aujourd’hui, au risque d’altérer leur propre exercice. L’émergence de nouveaux centres de traitements ou le renforcement de centres existants, publiques, privés ou mixtes va être absolument nécessaire afin de répondre aux besoins de la population. La proximité des centres de soins pour ce type de chirurgie qui sont très majoritairement programmées n’est pas nécessaire. Nos propres centres de traitements prenant quotidiennement en charge sans aucune difficulté des patients vivant très à distance en France ou à l’étranger.

En cette journée du cancer, nous appelons à une réorganisation majeure de la chirurgie du cancer, qui ne vise pas à exclure des chirurgiens qui souhaiteraient exercer dans cette spécialité, mais plutôt à inclure l’ensemble des praticiens désireux de contribuer à la prise en charge de ces patients dans des structures leur permettant d’exercer à haut niveau cette spécialité aussi exigeante que déterminante pour la survie des patients."

Les signataires de la tribune

  • Pr Fabien Reyal, chef de service de chirurgie sénologique, gynécologique et reconstructrice, Institut Curie, Paris
  • Pr Fabrice Lecuru, chef de service de chirurgie cancérologique gynécologique et du sein, Hôpital Européen Georges Pompidou, APHP, Paris
  • Pr Christophe Pomel, chef de service de chirurgie oncologique, Centre Jean Perrin, Clermont-Ferrand
  • Dr Sylvie Bonvalot, chef de service sarcomes et tumeurs complexes, Institut Curie, Paris
  • Pr Sebastien Albert, Service de chirurgie ORL et cervico-faciale, Hôpital Bichat, Aphp, Paris
  • Pr Gilles Houvenaeghel, chef de service de chirurgie sénologique, gynécologique et reconstructrice, Institut Paoli Calmettes, Marseille
  • Pr Philippe Rouanet, chef de département de chirurgie, Institut Régional du Cancer Montpellier
  • Pr Michel Rivoire, chef de département de chirurgie, centre Léon Bérard, Lyon
  • Pr Olivier Glehen, chef de service de chirurgie digestive et endocrinienne, hospices civils de Lyon
  • Pr Diane Goéré, Service de Chirurgie Viscérale, Cancérologique et Endocrinienne Hôpital Saint-Louis, APHP, Paris
  • Pr Eric Rullier, Unité de Chirurgie Colorectale, Hôpital Haut Lévèque, Pessac
  • Pr Nathalie Cassoux, Chef de département, Institut Curie, Paris
  • Dr Pascale Mariani, Chef de service de chirurgie viscérale et digestive, Institut Curie, Paris