Angoisses, symptômes réels ou imaginaires, traitements... qu'est-ce que l'hypocondrie ?

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L'hypocondrie est la conviction, plus ou moins forte, d'être atteint d'une maladie, et ce de manière répétitive. © Pixabay
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Pauline Rouquette
L'hypocondrie est un trouble se manifestant par l'anxiété obsessionnelle d'une personne sur sa santé. Mercredi dans "Sans Rendez-vous", le docteur Antoine Pélissolo, chef du service de psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, explique ce qu'est vraiment l'hypocondrie, ses symptômes et ses éventuels traitements.

C'est un terme qui remonte à l'Antiquité. Les médecins situaient dans l'hypocondre, région située sous les côtes en haut de l'abdomen, la localisation de toutes les inquiétudes sur la santé, vectrices d'une certaine forme d'anxiété.

Aujourd'hui, l'hypocondrie est d'ailleurs davantage qualifiée d'"anxiété sur la santé", précise le docteur Antoine Pélissolo, au micro d'Europe 1. Invité de "Sans Rendez-vous", le médecin, chef du service psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, revient sur les symptômes de l'hypocondrie, ses formes et ses éventuels traitements.

L'hypocondrie, c'est quoi ?

Davantage considéré comme un trouble que comme une maladie, l'hypocondrie est la conviction, plus ou moins forte, d'être malade, et ce, de manière répétitive. Mais tous les hypocondriaques ne le sont pas au même degré. "Ça va du "normal', 'répandu', ce qui est bien pour se protéger d'un certain nombre de choses", explique le docteur Antoine Pélissolo, "et on parle d'anxiété anormale lorsque ça se répète à l'extrême, de manière très intense et avec des idées délirantes, en dehors de la réalité, sur l'existence d'un trouble."

S'il n'existe pas de chiffres précis sur le nombre de personnes touchées par ce trouble en France, le docteur Pélissolo estime la population concernée de 2 à 3%. "Il n'y a pas de profil unique, mais il y a une tendance à l'anxiété dans le tempérament de la personne, et un parcours de vie exposé à la maladie", précise-t-il, faisant référence à d'éventuels événements marquants dans l'enfance, comme la maladie d'un proche. En effet, le fait de voir la maladie chez les autres peut rendre hypocondriaque. Dans ces cas-là, explique le médecin, "on rassure en disant qu'il n'y a pas de fatalité, mais c'est très marquant dans l'image, dans la peur profonde".

C'est également le cas des maladies dont on parle beaucoup dans les médias, ajoute-t-il. Pour ce qui est du coronavirus, qui se propage actuellement à travers le monde, le docteur Pélissolo explique qu'il peut faire l'objet d'inquiétude pour une personne présentant un trouble hypocondriaque. "Les anxieux, par définition, supportent mal l'incertitude et ce qui serait à risque", justifie-t-il. Rassurant, ce dernier tempère tout de même : "Ce n'est pas parce que les autorités prennent de grandes mesures que c'est grave, elles sont obligées d'alerter : ça ne signifie pas que chacun est en danger", dit-il, concédant qu'il n'est pas simple de relativiser lorsque l'on est constamment inquiet pour sa santé.

Comment se manifeste ce trouble ?

En cas d'hypocondrie, la tendance est à la multiplication des consultations et des examens. "C'est un cercle vicieux, car plus on en fait, plus on aura besoin d'en faire", prévient le docteur Pélissolo. Du côté des médecins, celui-ci ajoute qu'il ne faut pas aggraver les choses, et garder la bonne distance sans changer sa manière de faire sous prétexte que le patient est anxieux. "Dès que l'on met le doigt dans l'engrenage, c'est fini."

Toutefois, le médecin note la tendance d'autres hypocondriaques "à faire l'autruche". Un comportement situé à un autre extrême et tout aussi néfaste : plutôt que de se confronter au risque, la personne, obsédée par sa supposée maladie, ne fera rien permettant d'en avoir le cœur net. "Ce qui est négatif c'est de ne pas consulter à bon escient, finir par ne plus se méfier de choses réelles".

Par ailleurs, si internet n'a pas franchement contribué à l'augmentation du nombre d'hypocondriaque, il a cependant augmenté l'intensité de leur trouble, remarque le docteur Antoine Pélissolo. "On a un réservoir infini d'informations, et on sélectionne celui qui nous angoisse le plus", explique-t-il. En effet, bien qu'au départ, l'information médicale soit importante, il y a souvent un effet d'amplification. "Internet est un réservoir en accès direct, sans explication qui permette de personnaliser le diagnostic", d'où la nécessité, selon le docteur Pélissolo, de "connaître ses limites".

Les symptômes sont-ils réels ?

"Bien sûr", répond le docteur Antoine Pélissolo. Les symptômes ressentis par une personne hypocondriaque existent bel et bien. Toutefois, bien souvent, il s'agit à l'origine d'une douleur fonctionnelle normale, mais qui, avec le stress et l'hyper-attention, s'est considérablement amplifiée. "Ce n'est pas imaginaire du point de vue de la sensation, mais il ne faut pas confondre le symptôme et la sensation", nuance le médecin qui ajoute que les signes envoyés par le corps peuvent être liés à plusieurs choses. Pour résumer : ressentir un symptôme ne veut pas dire que celui-ci est lié à une maladie grave.

"Le corps est en déséquilibre permanent", affirme le docteur Pélissolo. "Il s'adapte à plein de choses, il s'y passe plein de changements... On n'en a pas conscience d'habitude ; quand on est hypocondriaque, on est hyper attentif à ces changements bénins."

Comment se libérer de l'hypocondrie ?

Plus qu'à l'effet placebo, les personnes présentant un trouble hypocondriaque sont davantage sensibles à l'effet "nocebo", explique le médecin, au micro d'Europe 1. Ce mot latin, signifiant "je nuirai", désigne la survenue d'effets secondaires indésirables, par le simple fait de s'y attendre. C'est pourquoi "on a du mal à prescrire des psychotropes, parce qu'ils auront plein d'effets secondaires", ajoute le docteur Antoine Pélissolo qui rappelle que, bien souvent, une personne hypocondriaque scrute la notice de chaque médicament.

De manière générale, ce dernier recommande d'opter pour des techniques visant à améliorer le niveau d'anxiété général. Des techniques de relaxation ou de méditation pour avoir une sensation de bien être avec son corps, ce corps que les hypocondriaques ont trop souvent tendance à craindre. Exit les sites internet et les forums, il faudrait également supprimer toutes les cyber-vérifications. En revanche, "quand il y a besoin, on va voir son médecin traitant, et si possible un seul médecin", abonde le docteur Pélissolo.

Et si tout ça ne suffit pas, les psychologues peuvent traiter ce trouble grâce à des méthodes très utiles comme les thérapies cognitivo-comportementales (TCC, qui visent à changer le comportement d'une personne atteinte d'un trouble comme dans le cas des troubles obsessionnels compulsifs). La partie cognitive, elle, fait plutôt référence à la connaissance des maladies. Il s'agit, selon Antoine Pélissolo, "de comprendre comment fonctionne son corps, de prendre un peu de distance, et ne pas surinterpréter".