La taxe qui irrite les médecins

Si un médecin n'envoie pas plus de 75% de ses feuilles de soins par internet, il devra s'acquitter d'une taxe de 50 centimes par document.
Si un médecin n'envoie pas plus de 75% de ses feuilles de soins par internet, il devra s'acquitter d'une taxe de 50 centimes par document. © MAXPPP
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Pour accélérer l’informatisation, les feuilles de soins papier leur seront taxées de 50 centimes.

Les médecins risquent de s’acquitter d’une nouvelle taxe s’ils ne jouent pas le jeu de la télétransmission, qui permet l’envoi des feuilles de soin par voie électronique. Les praticiens n’utilisant pas encore ou pas assez le système de carte vitale se verront ponctionnés de 50 centimes par feuille de soin sous format papier.

Le dispositif qui entre en application allie sanctions et incitations financières pour parachever une loi entrée en vigueur en 2000 qui doit permettre de basculer vers un système informatisé, et donc plus économe pour la Sécurité sociale. Le traitement d’une feuille de soin papier lui coûte 1,74 euro, contre 27 centimes pour le format informatique, selon Le Figaro. L’économie potentielle serait de 200 millions d’euros par an.

Faire le travail à la place de la Sécurité sociale

En échange, chaque feuille de soin envoyée électroniquement donne droit à une aide de 7 centimes d’euro, une enveloppe de 250 euros est aussi versée chaque année aux médecins ayant communiqué plus de 75% de leurs feuilles de soin par voie électronique.

Malgré ces économies, les médecins ne cachent pas leur irritation. Le médecin doit s’équiper d’un système informatique et d’un lecteur de carte vitale. Or, “cet équipement coûte entre 700 et 1.000 euros par an“, explique Alexandre Husson, président du syndicat national des jeunes médecins généralistes. De plus, ces derniers seront taxés même si le patient a oublié sa carte ou s’il ne l’a pas encore reçu de la Sécurité sociale.

De plus, “le médecin de base a l’impression de faire le boulot à la place de la Sécurité sociale“, témoigne un médecin de la région avignonnaise. Même son de cloche chez le Syndicat des médecins libéraux, pour qui “la télétransmission constitue une tâche administrative supplémentaire dont l’indemnisation reste très insuffisante“.

Les généralistes menacent d’un boycott

Les médecins généralistes n’apprécient donc pas du tout cette nouvelle taxe, et pour cause : avec les infirmières et les pharmaciens, ils sont les plus gros utilisateurs du système. 85% des médecins généralistes télétransmettent déjà, tout comme les infirmières et les pharmaciens.

“Les bons élèves risquent de se faire rattraper par la patrouille, au même titre que les mauvais“, regrette le docteur Claude Leicher, président du syndicat MG France. “Toute taxation des feuilles papier provoquera un boycott de la Télétransmission“, a donc prévenu son syndicat.

D’autant que les médecins qui jouent le jeu risquent aussi d’être pénalisés par le seuil obligatoire des 75% de feuilles de soins envoyés électroniquement. Un médecin qui utilise la carte vitale et part en vacances en faisant appel à un remplaçant pourrait ainsi être sanctionné : les remplaçants, souvent à peine sortis de leur formation, n’ont pas toujours les identifiants nécessaires pour utiliser le système, multipliant ainsi les feuilles de soins papier.

De possibles aménagements

Ces derniers ont donc déjà prévu de faire monter la pression. “Il y a une grande défiance“ prévient le président de MG France, avant de lancer : “attention à la déception“. Dans un mail envoyé à ses adhérents, le syndicat Union Généraliste conseille même à ses adhérents “de faire râler vos patients auprès de la Sécurité sociale et éventuellement auprès du député du coin qui a sans doute voté le texte de loi qui permet cette injustice“.

“Cette loi n’est pas une surprise, c’est une mesure qui était attendue, qui va dans le bon sens“, réagit Valérie Boyer, secrétaire nationale de l’UMP en charge de la Santé, avant de se montrer plus rassurante : cette réunion “est l’occasion de faire des aménagements pour que cela fonctionne mieux“. Le ministre de la Santé Xavier Bertrand reçoit les syndicats jeudi.