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A.D
Difficiles à mesurer dans les sondages, le vote blanc et l'abstention sont synonymes de désarroi et de désintérêt, voire d'un dégoût face à une certaine classe politique. Dans un contexte "d'affaires", ils pourraient atteindre des records.

Dans cette campagne présidentielle à rebondissements, marquée par les "affaires politiques", le vote blanc et l'abstention pourraient franchir des records. Des sondages estiment même que l'abstention pourrait atteindre 30% alors que le record d'abstention - en 2002 - était de 28%. Emmanuel Rivière, directeur général du pôle Opinion de Kantar Public (ex-TNS Sofrès) et Florian Demmel, membre du bureau du Parti du vote blanc, étaient les invités d'Europe Midi pour débattre du vote blanc et de l'abstention qui pourraient donc être les grands gagnants de la présidentielle.

Le vote blanc, expression d'un "désarroi". L'un comme l'autre s'avèrent toutefois difficiles à mesurer dans les sondages mais se montrent révélateurs, indique Emmanuel Rivière. "Le vote blanc est davantage un vote de second tour parce qu’on est déçu par l’offre. Aux dernières élections présidentielles (2012), on passe de 700.000 votes blancs au 1er tour à 2 millions au second tour. C’est en plus une solution qui n’est pas proposée sur la table. Il faut aller dans l’isoloir et ne mettre aucun bulletin dans l’enveloppe." Le vote blanc est donc un réel choix. Mais pour ce spécialiste, le vote blanc va de pair avec le "niveau de déception inédit à l’égard des partis politiques et du personnel politique et de la manière de faire de la politique. J’ai tendance à penser que ce n’est pas le vrai désir des Français. Le vrai désir des Français, c’est d’avoir des candidats qui leur conviennent." Le vote blanc est synonyme pour lui de vrai "désarroi".

Le vote blanc pas comptabilisé dans les suffrages exprimés. Cet avis est partagé par Florian Demmel, qui n'appelle d'ailleurs pas à voter blanc. "L’idée du vote blanc, c’est l’idée par extension de la démocratie participative. On voudrait représenter tous ceux qui sont déçus, désespérés même dégoûtés de la politique. On veut permettre une autre alternative que l’abstention ou le vote extrême, qu’il y ait un vote digne." Aujourd'hui, le vote blanc est compté mais pas pris en compte dans les suffrages exprimés. "Pour être élu, il faut plus de 50% des votes, une majorité absolue, ce qui n’était pas le cas François Hollande en 2012", rappelle Florian Demmel. Lui, aimerait que ces votes soient comptabilisés. Il prend l’exemple de pays d’Amérique latine où le vote blanc est exprimé, et où à un certain seuil, des candidats ne peuvent plus se représenter. Ce système laisse alors apparaître de nouveaux candidats et "un renouvellement de la classe politique", décrit-il.

Le vote blanc pour montrer l'intérêt. Pour Emmanuel Rivière, le vote blanc a d'autres vertus : il permet de ne pas assimiler "ceux qui votent blanc à des gens qui s’en fichent" et permettrait de faire un peu tomber les politiques de leur "piédestal". Florian Demmel renchérit en arguant que "l'abstention baisserait drastiquement si le vote blanc était reconnu". Il souligne d'ailleurs qu'au moins 5 des 11 candidats à l'élection présidentielle ont évoqué le vote blanc dans leur campagne, dont Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon.

Une certitude d'aller voter en baisse avec les "affaires". Emmanuel Rivière, qui rappelle que l'abstention est (aussi) difficilement quantifiable, constate néanmoins "que la certitude d’aller voter a eu tendance à diminuer entre le moment un peu béni des primaires, notamment de la droite, et l’approche de l’élection, ce qui est inédit. Généralement, les candidats arrivent à fabriquer de l’enthousiasme, de l’intérêt." Les "affaires" ne seraient pas étrangères à ce désenchantement : "L'un des éléments forts de l’abstention, et accessoirement du vote blanc, c’est quand des électeurs qui ont un parti politique ou un candidat ont un moment de déception à l’égard de ce parti ou de ce candidat."