Des soldats marchent dans les rues de Donetsk, dans un territoire séparatiste de l'est de l'Ukraine. 5:07
  • Copié
Jacques Serais et Gauthier Delomez , modifié à
La décision de Vladimir Poutine de reconnaître l'indépendance de deux territoires séparatistes à l'est de l'Ukraine, et d'envoyer des troupes, a été condamnée dans l'ensemble par la communauté internationale. L'UE et le Royaume-Uni prennent tour à tour des sanctions. Sur Europe 1, un géopoliticien estime qu'elles sont "indispensables" pour faire baisser les tensions.
DÉCRYPTAGE

À défaut d'avoir pu éviter cette situation, Emmanuel Macron et l'Union européenne prennent des sanctions. La Russie de Vladimir Poutine a reconnu lundi soir l'indépendance de deux territoires séparatistes russes du Donbass, à l'est de l'Ukraine, et y a déployé des troupes pour "maintenir la paix". En réponse, mardi, le chancelier allemand Olaf Scholz a suspendu l'utilisation du gazoduc Nord Stream 2, reliant l'Allemagne à la Russie, et l'UE s'apprête à prendre d'autres sanctions "massives et robustes". Si celles-ci sont souvent raillées pour leur inefficacité, dans l'émission Europe Midi mardi, le géopoliticien Cyrille Bret explique pourquoi, selon lui, il est "indispensable" de sanctionner la Russie.

Éviter que l'armée russe ne parvienne à Kiev

"Si la Russie n'avait pas fait l'objet de sanctions depuis 2014, elle serait déjà à Kiev", estime le chercheur associé à l'institut Jacques Delors au micro de Romain Desarbres. "Les sanctions sont indispensables pour que l'Europe puisse peser face à la Russie, car la Fédération russe ne comprend que le rapport de force, pas forcément militaire, mais aussi économique, diplomatique, politique, médiatique, dans le cyber espace", poursuit le maître de conférence à Sciences Po Paris.

Parmi les sanctions prises mardi matin, le Premier ministre du Royaume-Uni Boris Johnson a décidé de punir cinq banques et trois oligarques russes. Quant à elle, l'Union européenne souhaite par exemple interdire l'accès de Moscou à ses marchés et services financiers. "Ces sanctions sont indispensables", martèle Cyrille Bret. "Imaginez, si l'Europe n'en prenait pas aujourd'hui (mardi), alors que les chars russes viennent officiellement, pour la première fois, de franchir la frontière d'un État souverain et indépendant, cela voudrait dire qu'elle approuve la politique russe en Ukraine", analyse le directeur du site Eurasia Prospective sur Europe 1.

Pourquoi la Russie s'intéresse à deux territoires ukrainiens

Toutefois, les sanctions seules ne suffisent pas, selon le géopoliticien. "Il faut aussi garder une possibilité d'accentuer la pression diplomatique et économique si la Russie venait à s'aventurer au-delà du territoire qu'elle dit protéger, c'est-à-dire la république autoproclamée séparatiste illégale de Donetsk et Lougansk", affirme-t-il dans l'émission Europe Midi.

Désormais, Cyrille Bret évoque "trois scénarios" possibles pour la suite de la crise russo-ukrainienne. "Le scénario du pire, c'est si Vladimir Poutine va jusqu'à Kiev. Cela exposerait la Russie et l'Europe à des crises militaires, économiques, financières et énergétiques dont on ne sait pas où elle pourrait s'arrêter, peut-être à l'utilisation de l'arme nucléaire", met en garde le géopoliticien. Un scénario "plus optimistes, celui de la retenue", peut avoir lieu si la Russie se satisfait de ses dernières déclarations, poursuit Cyrille Bret.

Enfin, le maître de conférence souligne un dernier scénario possible : "La Russie peut transformer la petite mer d'Azov, qui sépare Lougansk et Donetsk à l'est de la Crimée. Cela permettrait à la Russie d'établir une continuité territoriale entre elle et la Crimée, que la Fédération de Russie a déjà annexée tout au sud de l'Ukraine." Et pour le géopoliticien, ce dernier scénario entraînerait "des combats terribles sur une ligne côtière de plusieurs centaines de kilomètres entre l'armée russe, et l'armée ukrainienne, donc une véritable guerre de très haute intensité sur le territoire de l'Ukraine."