Sûreté nucléaire : quels sont les différents modèles à travers le monde dont pourrait s'inspirer la France ?

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avec AFP // Crédits photo : MATTHIEU RONDEL / AFP
Alors que l'Assemblée nationale a ouvert la voie mardi 12 mars à la fusion entre l'ASN, surveillant du nucléaire, et l'IRSN, expert technique, la sûreté nucléaire est au cœur du débat. La France pourrait bien s'inspirer d'autres pays nucléarisés, qui malgré des modèles différents, ont des principes similaires.

Dans les pays nucléarisés, l'organisation de la sûreté peut être construite sur des modèles différents. Des principes communs se retrouvent cependant, notamment la distinction entre ceux qui décident du sort des centrales et ceux qui réalisent les expertises. Cette distinction est au cœur de la réforme controversée lancée en France, qui vise à fusionner l'expert (l'IRSN) et le décideur (l'ASN).

 

Depuis les années 1980 aux États-Unis, puis les années 1990 en France, une séparation a été organisée entre l'évaluation scientifique (expertise) et la gestion politique des risques (décision), observe l'historien du nucléaire Michaël Mangeon. "Cette démarcation est au cœur de la recherche de légitimité et de confiance des organismes chargés de la gestion des risques. L'objectif est de préserver l'expertise scientifique pour qu'elle ne soit pas 'polluée' par des enjeux liés à la décision (enjeux politiques, économiques, industriels…)", explique-t-il, en relevant que cette séparation "peut prendre des formes organisationnelles variées".

S'inspirer du modèle américain

Ainsi les États-Unis ont une institution unique, la Nuclear Regulatory Commission (NRC), créée en 1974, indépendante du gouvernement et n'ayant de comptes à rendre qu'au Congrès. Elle évalue la sûreté des centrales et prend les décisions de mise à niveau, de fermeture… Pour construire un réacteur, il faut en outre le feu vert des autorités locales. "La NRC est la seule agence compétente, avec en son sein différents bureaux assurant différentes fonctions", explique un porte-parole.

Le gouvernement français cite souvent pour sa réforme l'exemple du "modèle intégré" américain. Mais la NRC doit soumettre ses évaluations pour avis (consultatif) à une entité indépendante, l'Advisory Committee on Reactor Safeguards (ACRS), composée d'experts. Elle se base aussi sur l'expertise de laboratoires extérieurs, académiques ou industriels. Par ailleurs, les réunions du collège des cinq commissaires décisionnaires sont publiques, comme au Canada, mais pas en France.

D'autres pistes

Les différentes institutions de sûreté existant avant l'accident de Fukushima de 2011, au Japon, ont toutes été intégrées à l'Autorité de régulation nucléaire (NRA). L'une d'elles, relevant du ministère de l'Économie, chargé du nucléaire entre autres énergies, avait été en particulier visée par des critiques pour conflits d'intérêts. Aujourd'hui, la NRA est composée de deux entités, rapportant à cinq commissaires: l'Autorisation (Licensing) et la Supervision (Oversight), dotées de 150 et 180 responsables d'expertise. Depuis, globalement, l'indépendance de la NRA n'a plus été un sujet de controverse.

Historiquement la Belgique a toujours eu deux entités, avant d'envisager en 2008 de les réunir sous un même chapeau, puis de finalement renoncer, a expliqué à l'AFP Benoît De Boeck, ex-directeur général de Bel V, l'IRSN belge. "Sur le papier, une seule c'était 'plus élégant'", dit-il. Mais "qu'avait-on à y gagner? Finalement, ce n'était pas clair… Surtout la transition risquait de créer des dégâts pendant des années, d'abord de faire fuir une partie des experts. Or perdre des experts peut aller vite, en recruter peut prendre des années".