Soupçons de fraude fiscale : pourquoi la justice s'intéresse à Thierry Solère

Thierry Solère, entendu par la police judiciaire depuis mardi, a vu sa garde à vue prolongée mercredi à Nanterre.
Thierry Solère, entendu par la police judiciaire depuis mardi, a vu sa garde à vue prolongée mercredi à Nanterre. © Martin BUREAU / AFP
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Thibauld Mathieu avec AFP , modifié à
Visé par une enquête pour fraude fiscale et corruption, le député LREM des Hauts-de-Seine a été placé en garde à vue mardi à Nanterre. L'affaire, elle, remonte à 2010.

Une petite semaine après la levée de son immunité parlementaire, Thierry Solère a été placé en garde à vue, mardi à Nanterre. Le député LREM des Hauts-de-Seine y est entendu dans le cadre d'une enquête pour fraude fiscale et corruption, ouverte il y a déjà deux ans. Sa garde à vue a même été prolongée mercredi matin.

Que lui est-il reproché ?

Une affaire de fraude fiscale... Au départ, c'est une affaire presque "banale" de fraude fiscale. Celle-ci remonte aux années 2010-2013 alors qu'il était conseiller général des Hauts-de-Seine et lieutenant de Bruno Le Maire.

Une période pendant laquelle il travaillait également comme conseiller stratégique dans le privé, notamment chez Chimirec, une entreprise spécialisée dans la collecte et le traitement des déchets industriels. L'activité lui rapportait alors 12.000 euros par mois, avait révélé Mediapart en septembre 2016.

Ces revenus, Thierry Solère aurait "omis" de les déclarer aux impôts, tout comme la taxe foncière, avait dévoilé Le Canard enchaîné l'été dernier. Un "oubli" qui lui avait valu "une saisie-arrêt sur salaire", selon l'hebdomadaire. L'élu, lui, avait répliqué avoir fait l'objet d'un "contrôle classique" et n'avoir "commis aucun délit fiscal", en dépit du signalement fait par Bercy.

… Devenue tentaculaire. En creusant, les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ont découvert d'autres éléments troublants. Au point que l'enquête vise désormais des faits de "trafic d'influence, corruption, abus de biens sociaux, financement illicite de dépenses électorales et manquement aux obligations déclaratives auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP)".

Selon Le Monde, Thierry Solère est par exemple soupçonné d'avoir profité de ses fonctions de consultant et d'élu pour faciliter l'attribution à l'un de ses clients, une société informatique, de plusieurs marchés publics dans les Hauts-de-Seine.

En 2012-2013, il aurait aussi embauché l'épouse d'un ex-dirigeant de la société Aliapur, autrement dit d'une relation d'affaires, comme assistante parlementaire. Un emploi potentiellement fictif. Cette femme était "chargée de faire son bilan de mi-mandat", "ce qu'elle a fait", affirme de son côté l'entourage de l'élu auprès de l'AFP.

Par ailleurs, Thierry Solère est soupçonné par le parquet "d’enrichissement occulte" : des "faux prêts" auraient ainsi été consentis par les sociétés d'un promoteur immobilier, permettant l'acquisition de "trois appartements" revendus ensuite "à ces mêmes sociétés en opérant au passage des plus-values". Le député conteste vigoureusement toute irrégularité, s'appuyant sur des attestations de fin de remboursement de plusieurs crédits immobiliers, que l'AFP a pu consulter. "Les prêts prétendument faux dont il est accusé et pour lesquels sont immunité parlementaire a été levée sont notariés, déclarés aux impôts et donc transparents. Il y a des faits établis qui prouvent cette réalité là", a réagi mercredi son avocat, Me Pierre-Olivier Sur, contacté par Europe 1.

Le promoteur évoqué par Le Monde, un ami personnel de l'élu, se défend également de toute transaction illégale avec ce dernier. Il affirme lui avoir bien acheté trois appartements, mais sans en avoir été le propriétaire auparavant, a encore indiqué son entourage à l'AFP.

Pourquoi est-il mis en garde à vue maintenant ?

Le dossier a été ouvert alors que Thierry Solère était en charge de l'organisation des primaires de la droite, à l'automne 2016. Depuis, cet avocat de profession a été exclu des Républicains - après avoir été élu, au nom de "l'opposition", questeur de l'Assemblée au nez et à la barbe du LR Eric Ciotti - avant de rejoindre La République en marche, en passant en devenant entre temps membre des "Constructifs" (devenus Agir).

L'élu a finalement perdu son immunité parlementaire le 11 juillet dernier, à la demande du parquet. Une demande relayée par l'intéressé lui-même qui disait vouloir "être entendu" dans cette affaire.

Que vient faire Jean-Jacques Urvoas dans cette affaire ?

Fin juin, Jean-Jacques Urvoas, ancien garde des Sceaux de François Hollande (janvier 2016-mai 2017) a été mis en examen par la Cour de justice de la République pour "violation du secret professionnel".

En décembre 2017, Le Canard Enchaîné avait en effet révélé que l'ex-ministre avait, durant l'entre-deux-tours, transmis via la messagerie Telegram des informations confidentielles à Thierry Solère, alors député LR, au sujet de l'enquête pour fraude fiscale ouverte à son encontre. Une accusation qu'il a lui aussi toujours contestée.