Remaniement : le secrétariat d'Etat à l'aide aux victimes, "un message fort"

Juliette Méadel
A 41 ans, l'ex-porte-parole du Parti socialiste Juliette Méadel voit son ascension éclair couronnée par un secrétariat d'Etat nouvellement créé, celui de l'Aide aux victimes. © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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Pour la deuxième fois de l'histoire, le gouvernement comptera un membre dédié à l'aide aux victimes. A quoi peut-t-il servir ?

C'est la seconde fois seulement que cela se produit dans l'histoire de la Ve République. Dans le cadre du remaniement, l'Elysée a annoncé jeudi la création d'un Secrétariat d'Etat chargé de l'aide aux victimes. Juliette Méadel, porte-parole du PS, en prendra la tête. Un choix loin d'être anodin, après les attentats qui ont endeuillé la France en 2015. A quoi peut servir ce poste ? Décryptage.

Le poste a déjà existé, brièvement. Le seul (éphémère) précédent dans l'histoire remonte au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Du 30 mars 2004 au 31 mai 2005, l'UMP Nicole Guedj occupe le poste de Secrétaire d'Etat chargé de l'aide aux victimes. Créé sous la pression des associations, le poste vise à coordonner une action qui concerne autant les victimes de crime, de catastrophe naturelle, d'erreur médicale ou de discriminations par exemple. Nicole Guedj est alors chargée, selon le Journal officiel, de "concevoir et mettre en œuvre les actions d'information et de soutien aux victimes et d'assurer l'animation et la coordination des relations avec les associations et toute organisme œuvrant en ce domaine".

Après plusieurs avancées concrètes (une indemnisation simplifiée, une réforme de la prise en charge médicale et psychologique etc.), le secrétariat d'Etat disparaît. Et c'est le ministère de la Justice qui se chargera de ces questions jusqu'à aujourd'hui. Après un remaniement et un changement de Premier ministre (Villepin remplace Raffarin), Nicole Guedj est en effet écartée du gouvernement, et son poste avec.

Pourquoi y en a-t-il encore besoin en 2016 ? "Les besoins en matière d'aide aux victimes évoluent en permanence. Il y a toujours de nouveaux profils de victimes", assure Michèle de Kerckhove, président de l'Inavem, une association qui regroupe diverses organisations d'aide aux victimes. Michèle de Kerckhove "ne peut que se satisfaire" de le retour d'un secrétariat d'Etat dédié. En quoi était-il nécessaire ? Selon elle, ce dossier ne pouvait rester dans le seul giron du ministère de la Justice. Celui-ci "s'occupe des plaintes. Mais l'aide aux victimes peut devenir une question de santé, d'économie, de Droits des femmes. Il fallait une structure  transversale", explique-t-elle. Aujourd'hui, pour se faire accompagner psychologiquement, être indemnisé, pour être écouté, soigné ou pour retrouver un proche disparu, une victime à face à elle "un millefeuille".

Et cette question est devenue encore plus d'actualité après les attentats. "Ce contexte n'a pas pu être ignoré. Cela a dû peser lourdement dans la balance. Il fallait un message fort et cela en est un", commente pour Europe 1 Stéphane Lacombe, directeur-adjoint de l'Association française des victimes du terrorisme. Et de poursuivre : "il fallait un référent unique. Lorsque les victimes des attentats de janvier ont été reçues, on leur a donné des dizaines de documents, avec des dizaines d'interlocuteurs à contacter. Cela peut être très anxiogène. Ce référent nous permettra également d'avoir un interlocuteur direct pour faire remonter nos problèmes au gouvernement ".

Quid de Juliette Méadel ? À 41 ans, celle qui était porte-parole du PS depuis août 2014 fait donc son entrée au gouvernement. Etoile montante du PS, elle représente une certaine aile réformatrice et sociale-démocrate du PS : en 2012, elle est première signataire de la motion intitulée "Question de principes" au congrès du parti. Cette motion en appelait notamment à une "transformation du PS" et au non-cumul des mandats. Mais Juliette Méadel est-elle taillée pour son nouveau poste ?

Enarque, ancienne avocate et docteure en droit privé, spécialiste de droit des sociétés commerciales et de droit pénal des affaires, Juliette Méadel semble davantage à l'aise avec les questions économiques. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, l'a d'ailleurs nommée en avril 2014 secrétaire nationale à l'Industrie, au Numérique et à l'Economie Sociale et Solidaire. Mais les associations ne l'accueillent pas avec méfiance pour autant.

"Juliette Méadel a toute sa légitimité. Elle a un parcours intéressant, elle est dynamique. J'ai hâte de la rencontrer", s'enthousiasme ainsi Michèle de Kerckhove, qui l'invite déjà à ouvrir un colloque sur l'aide aux victimes le 22 février. "Nous n'avons aucun a priori, ni positif, ni négatif. Nous sommes impatients de pouvoir échanger", renchérit  Stéphane Lacombe. Dans un tweet, la principale intéressée s'est dite quant à elle "très honorée" de ses nouvelles fonctions.