Pascal Canfin 3:32
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Mathilde Durand, avec AFP
Emmanuel Macron a annoncé la tenue d'un référendum pour inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans l'article 1 Constitution. C'était une des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Pour Pascal Canfin, eurodéputé et ancien directeur général du WWF France, cela permettra de "structurer l'action politique pour le climat".
INTERVIEW

Une promesse pour le climat. Emmanuel Macron a annoncé lundi soir, devant les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), la prochaine mise en œuvre d'un référendum pour inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans l'article premier de la Constitution française. Cette mesure était l'une des 149 propositions émises par la CCC. Pascal Canfin, eurodéputé élu sur la liste LREM et président de la commission Environnement du Parlement européen, décrypte sur Europe 1 l'intérêt d'une telle réforme, qu'il défend depuis plusieurs années. 

Une réforme structurante pour le droit de l'environnement

"Une Constitution, ce sont des principes juridiques concurrents. Vous avez la protection de l'environnement d'un côté et le libre commerce de l'autre. Quand on veut contraindre un secteur économique à changer ses pratiques, c'est un arbitrage entre l'environnement d'un côté et la libre entreprise de l'autre. Si on n'a pas un principe constitutionnel très fort qui dit 'l'objectif environnemental prime parce que la République le garantit', il y a un risque que les autres principes l'emportent. Cela va structurer encore plus l'action politique pour le climat et l'environnement, donc c'est très loin d'être un gadget", explique-t-il. 

Pascal Canfin évoque "les sécurités juridiques" qu'une telle réforme permettrait pour le gouvernement actuel mais aussi ceux à venir, citant un exemple parmi les objectifs fixés afin de préserver l'environnement. "On veut transformer l'industrie automobile dans les quinze ans qui viennent pour faire en sorte qu'en 2035, 100% des véhicules commercialisés en Europe, donc en France, soient électriques. Et ce de façon à avoir zéro émission dans nos villes, pour faire cette révolution industrielle et économique", analyse-t-il. "Si un industriel ou un concessionnaire décide d'aller porter plainte en disant 'vous n'avez pas le droit de m'empêcher de vendre un véhicule', il faut bien qu'il y ait une base juridique très forte pour répondre : 'on le fait parce qu'on poursuit un objectif commun que la République garantit'". 

Plus globalement, cette décision s'inscrit dans un ensemble plus large, selon l'eurodéputé. "On est en train de transposer les objectifs de préservation de l'environnement de l'Accord de Paris dans du droit opposable aux Etats, avec la Constitution, et opposable aux entreprises." En effet, l'accord trouvé lors de la COP21, qui vient de célébrer ses cinq ans, n'est pas contraignant juridiquement.

Le monde politique divisé 

L'annonce d'Emmanuel Macron a suscité de nombreuses réactions politiques. "Je pense que donner la parole au peuple, c'est la quintessence de la démocratie et c'est un honneur pour le président de la République que d'y recourir", assurait Jean Castex, ce mardi, au micro d'Europe 1.

A gauche, les élus sont plus divisés. La France Insoumise dénonce un "coup de communication" et annonce qu'elle votera "non". "Je n'attends pas grand chose de Jean-Luc Mélenchon mais c'est encore une fois très décevant car lui fait de la politique politicienne, considérant que, quoiqu'il fasse, Emmanuel Macron a tort. Ce qui est vraiment le b.a.-ba  de l'opposition totalement stérile", dénonce Pascal Canfin. L'eurodéputé salue en revanche la position de Yannick Jadot, du parti EELV. Ce dernier a en effet déclaré mardi qu'il "fera campagne pour le oui", même s'il y voit "un coup politique".

 

Cette réforme constitutionnelle en un article devra passer par l'Assemblée nationale puis le Sénat afin d'être votée en termes identiques. Le même jour, "elle sera soumise à référendum", a précisé Emmanuel Macron. L'enjeu, selon Pascal Canfin, c'est désormais la réponse de la droite. "La prochaine étape, c'est la décision du groupe Les Républicains au Sénat qui doit dire s'il s'y oppose ou pas. S'il ne s'y oppose pas, il y aura une majorité dans les deux chambres, à l'Assemblée et au Sénat, alors ça peut aller relativement vite, donc le calendrier peut s'accélérer pour une soumission aux Français", explique-t-il. Si le référendum proposé se concrétisait, il sera le premier à se tenir en France depuis celui de 2005, qui portait sur la Constitution européenne et avait vu la victoire du "non".