Présidentielle : qui s’est démarqué lors du débat à onze candidats

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Philippe Poutou, mais aussi Nathalie Arthaud et Nicolas Dupont-Aignan n'ont pas retenu leurs coups, tandis que les "gros" candidats, souvent très attaqués, sont restés bien plus prudents, voire éteints.

Les débats de la primaire l'avaient déjà montré : les "petits" candidats ne sont pas des potiches lors des grands oraux. Souvent, ils apportent une bouffée d'air frais à un exercice étriqué. Parfois, et ce fut le cas mardi soir lorsque les onze participants à la présidentielle se sont retrouvés pour la première fois sur le même plateau, ils poussent les "gros" à se révéler.

Poutou, fer de lance de la révolution. En l'occurrence, c'est Philippe Poutou qui a mis les mains dans le cambouis en premier, offrant aux alentours de 22h40 l'un des moments les plus forts du débat. Interrogé sur le thème de l'exemplarité en politique, le candidat du NPA s'en est violemment pris à François Fillon. "Que des histoires ! Et plus on fouille, plus on sent la corruption, la triche", s'est-il exclamé. Seul homme à ne pas arborer de cravate, souvent plus libre dans ses gestes et son attitude, l'ouvrier de chez Ford s'en est aussi pris à la présidente du Front national. "Le Pen, pareil. On pique dans les caisses publiques. Le pire, c'est qu'en plus le FN qui se dit anti-système se protège grâce aux lois du système, l'immunité parlementaire. Peinard. Quand nous, on est convoqués par la police, on n'a pas d'immunité ouvrière. On y va."

Une tirade qui s'est achevée sous les applaudissements de ses soutiens, mais aussi ceux de Jean-Luc Mélenchon, et tranchait avec la timidité des candidats les plus cotés dans les sondages. Ni Emmanuel Macron, ni le leader de la France insoumise, ni Benoît Hamon n'ont en effet directement abordé les affaires de Marine Le Pen et François Fillon.

Arthaud contre la "classe capitaliste". Nathalie Arthaud, candidate Lutte Ouvrière, a quant à elle remit une couche quelques minutes plus tard, pointant le "décalage" qui "choque" quand "quelqu'un dit combattre l'assistanat et s'accorde des largesses". S'imposant comme la candidate des "travailleurs" contre la "classe capitaliste", qu'elle a réussi à caser dans chacune de ses réponses qu'importe la question, l'enseignante en économie s'est partagé avec Philippe Poutou le rôle des candidats "normaux", proches du peuple et exerçant un "vrai" métier.

Dupont-Aignan sort les griffes. Peut-être moins virulent que les deux candidats d'extrême gauche, Nicolas Dupont-Aignan n'a pourtant pas retenu ses coups. Il s'en est notamment pris à Emmanuel Macron, pointé pour avoir cautionné le pantouflage de nombreux membres de cabinet ministériel lorsqu'il était au gouvernement, et à François Fillon, accusé de prendre ses ordres auprès d'Angela Merkel. Alors que le candidat est dans une bonne dynamique sondagière, parfois crédité de près de 5% dans les enquêtes d'opinion, il s'est attaché à distribuer les piques.

Fillon, une anaphore et des contradictions. Quitte, parfois, à se prendre quelques revers. C'est ainsi que François Fillon a rappelé, non sans condescendance, que la première fois qu'il avait rencontré Nicolas Dupont-Aignan, "il était chef de cabinet de François Bayrou, donc il est dans le système depuis assez longtemps". "Vous n'avez jamais eu le pouvoir et vous ne l'aurez pas la prochaine fois non plus." Mais c'est bien la seule fois que le candidat LR s'est fendu d'une telle remarque aussi ouvertement. D'un calme olympien, le vainqueur de la primaire de la droite a de nouveau tout misé sur son image de candidat sérieux et crédible, présidentiable, mais toujours un peu éteint. Souvent acculé, sous le feu des critiques, François Fillon a parfois paru exaspéré et perdu ses nerfs hors micro, traitant Nicolas Dupont-Aignan de "minable" et menaçant Philippe Poutou de lui "foutre un procès".

Sans surprise, le candidat LR s'est montré plus fluide sur les questions économiques que sur celles de moralisation de la vie publique. Ce thème lui a cependant permis de caser une anaphore toute hollandienne sur "un président exemplaire", qui s'est malheureusement pour lui achevée sur une contradiction de haute volée. Celui qui s'est en effet "excusé" devant les Français pour des "erreurs" a cette fois certifié qu'il n'en avait pas commis. Avant de refuser de répondre aux questions sur les affaires.

Le Pen, cible centrale. Si elle s'en était bien sorti pendant le débat à cinq, Marine Le Pen a été nettement plus prise pour cible cette fois-ci. Son meilleur ennemi, Jean-Luc Mélenchon, l'a épinglée à plusieurs reprises, d'abord sur la directive concernant les travailleurs détachés, puis sur les crèches dans les mairies. Emmanuel Macron l'a recadrée sur les travailleurs détachés, avant de la confronter brutalement sur ses promesses de sortie de l'Union européenne. "Vous proposez le nationalisme, et le nationalisme, c'est la guerre", s'est-il emporté. "Vous propagez les mensonges qu'on entend depuis 40 ans, qu'on entendait dans la bouche de votre père !"

De manière assez surprenante, ce sont aussi les "petits" candidats qui ont malmené la présidente du Front national. François Asselineau l'a ainsi acculée sur la sortie de l'Union européenne en se montrant plus souverainiste qu'elle. "Je trouve que vous êtes injuste", s'est défendu Marine Le Pen. "Vous proposez une sortie brutale de l'Union européenne, c'est votre choix. Mais vous ne pouvez pas dire que ma démarche ne serait pas franche ou sincère." Une séquence à double tranchant. La candidate frontiste paraissait à la fois très modérée dans ses propos, donc plus si "anti-système" que cela, mais aussi, de facto, plus présidentiable.

Macron sans risque. Favori dans les sondages, Emmanuel Macron a adopté la "technique Juppé" pour ce débat : ne pas prendre de risque pour conserver l'avantage. Comme lors du premier grand oral, le fondateur d'En Marche! s'en est bien sorti lorsqu'il lui a fallu ferrailler avec Marine Le Pen, ou réaffirmer l'importance que pouvait avoir la construction européenne. Les questions sur le pantouflage ou la suppression de 120.000 postes de fonctionnaires ont, en revanche, provoqué des réponses dont la longueur était inversement proportionnelle à la clarté. "Monsieur Macron, vous êtes toujours d'accord avec tout le monde", lui a lancé François Asselineau lorsqu'est venu le sujet de la lutte contre le terrorisme, déclenchant le rire jaune du principal intéressé.

Asselineau, le candidat des traités et des articles. Ce fut d'ailleurs là le principal fait d'arme du président de l'UPR, avec la citation d'une tripotée d'articles de la Constitution et de traités européens. Le "candidat du Frexit", qui s'est souvent transformé en professeur de droit, s'est appliqué à mettre en avant sa singularité, répétant à plusieurs reprises qu'il était "le seul candidat" à proposer la sortie pure, simple et très rapide de l'Union européenne. Le Frexit a d'ailleurs été à ses réponses ce que la lutte contre le capitalisme pouvait être à celles d'Arthaud : un prisme jamais abandonné, sans cesse mis en avant, quitte à être un peu répétitif.

Jean-Luc Mélenchon, convaincant.Grand vainqueur du premier débat, le candidat de la France insoumise a, une nouvelle fois, pu se reposer sur ses talents de tribun. Clair, souvent plus calme que la première fois, il est l'un des rares à avoir pu exposer des idées de fond sur un format de débat qui le permettait peu. Ce qui a visiblement payé, puisque le sondage Elabe pour BFM TV réalisé après le grand oral l'a désigné personnalité la plus convaincante, avec 25% des suffrages, devant Emmanuel Macron. Et ce, en dépit d'une fin de grand oral un peu difficile, le candidat apparaissant très fatigué lors de sa conclusion.

Hamon, moteur diesel. Benoît Hamon a suivi la trajectoire sensiblement inverse. Très effacé au début du débat, c'est vers la fin que le chantre du revenu universel et du "futur désirable" s'est révélé, attaquant frontalement Marine Le Pen sur le terrorisme. "Daech, ça vous arrange, ça vous fait prospérer", a-t-il lancé à la présidente du Front national. "Vous manifestez avec les pires intégristes, vous et votre nièce."

Le candidat socialiste, qui avait visiblement renoncé à s'en prendre d'abord à Emmanuel Macron, a conclu de belle manière, mettant en avant les fonctionnaires avant d'achever ses prises de parole en s'adressant directement aux électeurs, "le plus beau visage de la République".

Cheminade et Lassalle transparents. Si le débat leur a indéniablement offert une occasion médiatique en or, Jacques Cheminade et Jean Lassalle ont eu un peu de mal à en tirer parti. Le premier, souvent confus, a néanmoins marqué par la "colère" qu'il a tenue à exprimer contre "les marchés financiers", "grandes gueules qui essaient de voler ceux qu'ils croient les plus faibles". Quant à Jean Lassalle, il a tenté de mettre en avant son parcours peu commun, lui qui est fils de berger, frère de berger, et ex-berger lui-même. Mais c'est probablement une séquence d'hésitation intense sur son propre programme qui marquera le plus les esprits.