Présidentielle : quels lendemains pour la France insoumise ?

Mélenchon
Le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. © PHILIPPE LOPEZ / AFP
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Axel Roux avec Reuters , modifié à
Après son score historique dimanche, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon doit désormais concrétiser l’essai aux législatives.

Ce devait être les "jours heureux", avait promis Jean-Luc Mélenchon. Ce fut plutôt une soirée en demi-teinte, dimanche, après l’annonce des résultats du premier tour de la présidentielle. Malgré un score historique - 19,6% des voix, soit plus de 7 millions des suffrages exprimés - le leader de la France insoumise est apparu mine grave devant ses partisans, refusant de donner une consigne de vote pour le 7 mai. A la place, les 450.000 "insoumis", ces personnes qui ont appuyé sa candidature, sont appelés à se prononcer cette semaine sur son site.

Dimanche soir, devant une foule bigarrée, Jean-Luc Mélenchon a aussi adressé un autre message à ses partisans, plus rassurant. "A vous, jeunes gens, de reprendre la tâche et le flambeau. Nous sommes la France insoumise maintenant et pour toujours." Tout du moins jusqu’aux prochaines législatives, où le mouvement espère envoyer des élus à l’Assemblée. Europe 1 revient sur les (nombreux) défis qui attendent maintenant la France insoumise si elle souhaite prendre le leadership à gauche.   

Fidéliser des "insoumis" volages

Entre 2012 et 2017, Jean-Luc Mélenchon a réuni derrière son nom 3 millions d’électeurs de plus. Une large progression qui le place aujourd’hui en position de force face à un Parti socialiste en lambeau.   

Attirant plus de chômeurs (31%) que le reste de ses concurrents, Marine Le Pen incluse (26%), le candidat de la France insoumise est également arrivé en tête chez les jeunes (30%), électorat jugé acquis au Front national (21%). Pour autant, Jean-Luc Mélenchon ne dispose pas d’une base aussi solide que la candidate frontiste. Lors des enquêtes d’opinion avant le premier tour, seuls 66% des électeurs de la France insoumise se disaient très sûrs de leur choix, contre 87% pour Marine Le Pen. Mi-avril, une étude de porosité électorale a aussi pointé que 17% des électeurs ont pu hésiter entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon… Malgré des programmes radicalement opposés.   

"Le vrai problème, c'est que l'électorat de Mélenchon a un rapport au parti relativement distant", souligne Vincent Tiberj, sociologue et expert des comportements électoraux à Sciences-Po Bordeaux. "Ils peuvent bouger d'un parti à l'autre au sein d'un camp, clairement ce n'est pas un matelas de voix stable sur lequel il peut s'appuyer."

Une volatilité que la France insoumise va devoir d’urgence corriger en vue des législatives, estime le sociologue. "Il est vraiment extrêmement dur de prévoir qui va se déplacer aux prochaines législatives, ça vaut aussi pour les autres partis", précise-t-il, à l'issue d'une campagne présidentielle inédite marquée par de nombreux rebondissements et un fort taux d’indécision.

Faire mieux qu’aux législatives de 2012

Sur le papier, le candidat de la France insoumise devrait aborder les scrutins des 11 et 18 juin avec confiance. Face aux fractures du PS laminé et rangé à l’unanimité derrière Emmanuel Macron pour le second tour, les figures du mouvement devraient rejouer sans trop de problème l’antienne du "dégagisme".

Arrivé en tête dans quatre des dix plus grandes villes de France (Lille, Marseille, Montpellier, Toulouse) et dans plusieurs départements (Seine-Saint-Denis, Dordogne, Guyane, etc.), la France insoumise peut espérer rafler plusieurs sièges à l’Assemblée nationale. "On est en capacité de poursuivre cette dynamique en vue de faire élire un grand nombre de députés insoumises et insoumis aux prochaines législatives", veut croire Danielle Simonnet, coordinatrice du Parti de gauche et porte-parole de Jean-Luc Mélenchon. "On a des ambitions à la hauteur de notre score."

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"Pour les législatives, on présente des candidats dans beaucoup de circonscriptions. On va discuter de tout ça aujourd'hui (mardi)", indique de son côté Alexis Corbière, interrogé par franceinfo. Reste à savoir si la dynamique peut tenir jusque-là. En 2012, le Front de gauche n’était parvenu à faire élire que dix députés malgré la quatrième place de Jean-Luc Mélenchon. Le candidat s'était d’ailleurs lourdement incliné face à Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, le fief désormais de la candidate FN.

Passer (ou non) des compromis

C’est pour l’instant l’une des marques de fabrique de la France insoumise : pas d’addition de logos. Pour l'heure, le mouvement exclut en effet tout "arrangement" avec les autres partis en vue des législatives. Y compris avec ses alliés directs, à l’image du PCF qui a soutenu la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. "La démarche de la France insoumise, ce n'est pas l'addition de logos et d'accords entre forces mais de fédérer le peuple", indique Danielle Simonnet.

Une philosophie qui passe mal auprès de Pierre Laurent, le patron des communistes. Mardi, devant la presse, le sénateur de Paris a dit ne pas comprendre "le silence à (ses) appels pour une discussion commune sur les législatives depuis dimanche".

Une position de principe qui pourrait jouer des tours à la France insoumise, estime Daniel Boy, directeur de recherches au CEVIPOF. "Jean-Luc Mélenchon sera demain un leader de l’opposition entendu, mais il va se confronter à la logique du plafond de verre”, juge le politologue. "Sauf à instaurer la proportionnelle, sa seule chance d’arriver au pouvoir reste de passer des alliances avec les différentes composantes de la gauche… Des communistes aux sociaux-démocrates." Reste à savoir ce que veut vraiment Jean-Luc Mélenchon, poursuit Daniel Boy. "On peut faire beaucoup de bruit et ne jamais connaître d’issue électorale."