Peut-on gagner la présidentielle sans les Outre-mer ?

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François Fillon s'est rendu à la Réunion, ce week-end. © AFP
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Tous les candidats se rendent dans les territoires ultramarins pendant la campagne, espérant capter les plus de 3 millions de suffrages potentiels qu'ils représentent.

Toujours englué dans les affaires, François Fillon est parti, en fin de semaine dernière, à 9.000 kilomètres de Paris. Direction La Réunion où, depuis trois jours, le candidat a eu le temps de multiplier les visites, participer à un pique-nique, assister à la messe et tenir un meeting. Comme lui, de nombreux candidats à la présidentielle se sont déjà rendus dans les Outre-mer depuis le début de la campagne. Les candidats aux primaires de droite comme de gauche, mais aussi Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, aux Antilles en décembre, ou encore Marine Le Pen, partie en Guyane. Des voyages incontournables pour qui espère conquérir l'Elysée. Car s'il est possible de gagner l'élection sans les votes des ultramarins, ces derniers sont néanmoins suffisamment nombreux pour faire pencher la balance d'un scrutin très serré.

7% de l'électorat français. Un simple coup d'œil aux chiffres suffit à le démontrer. Les départements, régions et collectivités d'outre-mer représentent plus d'1,6 million d'électeurs potentiels. Il faut ajouter à cela les personnes en âge de voter qui en sont originaires et sont installées en métropole. Souvent attachées à leur territoire d'origine, dans lequel elles conservent de la famille, elles peuvent aussi voter pour un candidat en fonction de son programme pour les Outre-mer. Au total, les ultra-marins représentent donc 7% de l'électorat français. Ce qu'aucun candidat à la présidentielle ne peut se permettre de négliger.

Mauvais résultats pour Jospin en 2002. Ce n'est certainement pas Lionel Jospin qui dira le contraire. En 2002, le candidat socialiste avait été doublé au premier tour de la présidentielle par Jean-Marie Le Pen. L'écart était alors de moins de 200.000 voix.  Outre-mer, Lionel Jospin avait été largement distancé par Jacques Chirac, arrivé en tête dans six territoires sur neuf. Le socialiste n'avait obtenu le plus grand nombre de suffrages qu'à La Réunion, d'une courte tête (39,01% contre 37,15% pour le candidat de droite). La présence parmi les candidats de Christiane Taubira, élue de Guyane, avait rebattu les cartes, puisqu'elle était sortie vainqueur dans son fief et en Guadeloupe. Dans cette configuration particulière, difficile de sous-estimer l'impact des votants ultramarins.

Le vote ultramarin "ne fait pas l'élection". Néanmoins, il est impossible d'affirmer que les Outre-mer peuvent faire la différence lors d'une élection. "[Elles] composent des réalités politiques dans l'ensemble national", explique le politologue et historien Yvan Combeau dans Le vote de l'outre-mer (éd. Les Quatre Chemins). "Leurs votes ne font pas l'élection, ou plus justement ne le font pas plus, pas davantage, que d'autres territoires, départements, régions, dans l'ensemble de la France. Ils participent à dégager un résultat national."

Sarkozy a gagné sans les Outre-mer. Il est donc tout à fait possible de gagner l'élection présidentielle sans emporter les territoires ultramarins. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé pour Nicolas Sarkozy en 2007. Cette année-là, au second tour, c'est Ségolène Royal qui est sortie en tête dans cinq DROM-COM sur neuf. Surtout, la candidate socialiste l'a emporté largement à La Réunion et en Martinique, ainsi que d'une courte tête en Guadeloupe, les trois territoires les plus peuplés des Outre-mer. Parmi ceux comptant plus de 100.000 votants, il n'y a guère qu'en Polynésie française que Nicolas Sarkozy est arrivé premier –avec une courte majorité de 51,90% des suffrages. Cela ne l'a pas empêché d'accéder à l'Elysée.