Macron, un discours sur l'Europe en forme de plaidoyer

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Mardi, à la Sorbonne, Emmanuel Macron a vigoureusement défendu l'Union européenne. © Ludovic MARIN / POOL / AFP
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Dans un discours fleuve, volontiers lyrique, résolument pro-Union européenne, le président français a distillé quelques messages pour rassurer ses partenaires, notamment l'Allemagne.

"Je suis venu vous parler d'Europe. 'Encore', diront certains. Ils devront s'habituer." Dès les premières phrases de son discours, mardi, devant des étudiants étrangers à la Sorbonne, Emmanuel Macron a donné le ton. Le président français était là pour défendre l'Union européenne avec la même vigueur que pendant sa campagne. Le chef de l'État a enchaîné les propositions, posant les bases d'une intégration plus poussée pour une partie des pays membres, quitte à s'embarquer dans une Europe à deux vitesses. Il a néanmoins pris soin d'adresser des messages plus rassurants à de potentiels partenaires plus réticents sur le sujet, notamment les libéraux allemands.

Une Europe de la Défense. Si la plupart des idées générales exposées par Emmanuel Macron étaient déjà connues, le président en a profité pour détailler. L'Europe de la Défense qu'il appelle de ses vœux depuis des mois ? Le chef de l'État veut l'encourager d'abord en "proposant une initiative européenne d'intervention". Une première étape serait 'd'accueillir dans nos armées nationales des militaires venant de tous les pays européens volontaires", a-t-il expliqué. Ces militaires participeraient aux "travaux de renseignement, de planification et de soutien des opérations".

Autre proposition : un "parquet européen contre la criminalité organisée et le terrorisme". Enfin, Emmanuel Macron se prononce pour une "force européenne de protection civile qui mettra en commun nos moyens de secours" qui interviendrait en cas de catastrophe naturelle comme un séisme, des inondations ou des incendies.

Une Europe de la transition énergétique. Ces propositions fortes sur la sécurité se doublent d'autres en matière écologique. Emmanuel Macron veut que l'Europe devienne "le fer de lance de la transition énergétique", grâce à un "marché européen de l'énergie" et, surtout, une "taxe européenne sur le carbone". Le président est apparu conscient de la difficulté de mettre en place une telle coopération supranationale, sans pour autant vouloir y renoncer. "Cela ne se fera pas en un jour, mais si nous refusons d'en parler, je sais que cela ne se fera jamais."

Ces propositions sont de nature à séduire une partie de ses partenaires européens, notamment les Verts allemands, probablement appelés à former une coalition avec la CDU d'Angela Merkel et les libéraux du FDP, à la suite des législatives de dimanche. Le problème, c'est que le FDP, lui, n'y est pas favorable du tout. Tout comme il refuse la création d'un budget commun à la zone euro, qu'Emmanuel Macron a de nouveau évoquée.

Des messages aux libéraux... Toutefois, le président français a pris soin de soigner un peu ce probable futur partenaire réticent. D'abord, en ne mentionnant pas la création d'un Parlement de la zone euro, dont il s'était pourtant fait l'avocat pendant la campagne. Ensuite, en distillant quelques messages çà et là. "L'enjeu fondamental n'est pas de mutualiser nos dettes du passé, ni de régler les finances publiques d'un pays ou un autre", a-t-il souligné, en référence à la grande crainte du FDP. "C'est simplement de savoir comment créer de l'emploi et faire en sorte que la jeune génération ne soit pas vouée au chômage."

…et des idées plus consensuelles. En terminant son discours sur des propositions plus culturelles et éducatives, comme la création d'universités européennes délivrant de "véritables diplômes européens", Emmanuel Macron a pris garde de finir sur une note moins clivante. "Chaque étudiant devra parler au moins deux langues européennes d'ici 2024", a-t-il déclaré. Un objectif d'autant plus réaliste que c'est déjà quasiment le cas, selon une étude Eurostat. Autre proposition : "la moitié d'une classe d'âge doit avoir passé, avant 25 ans, au moins six mois dans un autre pays européen, qu'il soit étudiant ou apprenti." Là encore, pas de quoi susciter trop de "passions tristes" de la part des partenaires, tout en exaltant le projet européen.

C'est bien cette exaltation qui a marqué le discours d'Emmanuel Macron pendant quasiment deux heures, et a été saluée par plusieurs personnalités politiques. À Bruxelles, on n'a pas boudé son plaisir de voir l'Union européenne, si souvent critiquée, enfin vigoureusement défendue. "Très, très grand discours", a déclaré Viviane Reding, ancienne vice-présidente luxembourgeoise de la Commission européenne. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a quant à lui salué le "courage" du président, dont "l'Europe a besoin" sur Twitter.