Macron aimé, Macron rallié mais Macron… embarrassé

© Lionel BONAVENTURE / AFP
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Le fondateur d'En Marche! reçoit des soutiens de toutes parts. Certains sont néanmoins plus encombrants que d'autres.

Le costume de favori n'est pas toujours facile à porter. Emmanuel Macron, donné dans les enquêtes d'opinion comme le candidat qui a le plus de chance d'accéder au second tour de la présidentielle face à Marine Le Pen, l'apprend à ses dépens. Ces dernières semaines, le fondateur d'En Marche! a reçu de nombreux soutiens de politiques de tous bords. Au risque de ne plus savoir que faire de ralliements qui peuvent se révéler, selon les personnalités, plutôt encombrants.

Alors que les rumeurs d'un possible rapprochement de Manuel Valls vont bon train, l'ancien Premier ministre ayant clairement annoncé mardi qu'il ne soutiendrait pas le candidat socialiste, Benoît Hamon, Emmanuel Macron a même dû mettre le holà. "Je n'ai pas fondé une maison d'hôtes, pardon de vous le dire", a-t-il lancé, résumant en une phrase ce nouvel "inconfort philosophique" dans lequel ne manquent pas de le plonger ces soutiens en pagaille.

Conforter une dynamique. Être rallié vient certes conforter la dynamique du fondateur d'En Marche!. "Que toutes celles et ceux qui se retrouvent dans ce projet le rejoignent, c'est formidable", a admis Emmanuel Macron mardi. "Ils sont simplement en train de démontrer que j'avais raison de ne pas subir les règles du système actuel." Par ailleurs, cela lui apporte un soutien politique parfois important. Bertrand Delanoë, ancien maire de Paris, fait ainsi figure de prise de guerre pour l'ancien ministre de l'Économie.

Equilibre menacé. Le problème, c'est que ces ralliements viennent menacer l'équilibre délicat d'un candidat qui ne se veut "ni de droite ni de gauche". Jusqu'ici, les soutiens sont plutôt venus de la gauche de l'échiquier politique, que ce soit de l'aile réformiste du PS (les députés Christophe Caresche ou Marc Goua), d'ex-EELV (François de Rugy) et même de la gauche de la gauche (Robert Hue, ancien secrétaire national du Parti communiste). Au centre et à droite, en revanche, ils se font plus rares. François Bayrou, président du MoDem, est une personnalité de premier plan. Mais chez Les Républicains, hormis la juppéiste Aurore Bergé, aucun élu n'a sauté le pas. Emmanuel Macron espérait bien un signe d'Alain Juppé, auquel il avait rendu hommage lors d'un déplacement à Bordeaux, en vain. Le battu de la primaire de la droite a officiellement parrainé François Fillon.

"Recyclerie du PS". En accueillant tous les socialistes désarçonnés par le programme ou la campagne de Benoît Hamon, la maison En Marche! risque donc de pencher sérieusement à gauche, abandonnant un positionnement central qui fait sa force. Alors que plusieurs élus avaient préparé une tribune de ralliement, Emmanuel Macron leur a d'ailleurs demandé, selon Le Monde, de ne pas le rejoindre d'un bloc. "Il avait peur d'apparaître comme une recyclerie du PS", témoigne un signataire au quotidien du soir.

"Il faut faire monter de nouveaux talents". Car pour un mouvement et un candidat qui capitalisent beaucoup sur le renouvellement de la classe politique, certains de ces soutiens pourraient être un vrai boulet. Interrogé par Femmes Actuelles sur la place que pourraient avoir Ségolène Royal ou Marisol Touraine auprès de lui, Emmanuel Macron a répondu avoir "beaucoup de respect pour ces deux femmes". "Mais elles n'ont pas vocation à avoir des responsabilités dans un gouvernement qui serait le mien parce qu'il faut faire monter de nouveaux talents, de nouvelles forces politiques."

"Aucun accord d'appareil". La stratégie de l'ancien ministre de l'Economie face aux nouveaux arrivants est donc celle-ci : impossible d'empêcher qui que ce soit mais pas question de négocier quoi que ce soit. "Tous les soutiens restent les bienvenus", confirme Benjamin Griveaux, porte-parole d'En Marche!. "Mais il n'y aura aucun accord d'appareil, aucun infléchissement de la ligne politique, aucune discussion d'arrière-boutique. Ça, c'était le monde d'avant. Ce n'est pas dans l'ADN de notre démarche." Selon lui, toute entorse à cette règle se paiera cher. "On casserait le lien de confiance qu'on a avec les électeurs. Ils se détourneraient de nous."

" Il n'y aura aucun accord d'appareil, aucun infléchissement de la ligne politique, aucune discussion d'arrière-boutique. Ça, c'était le monde d'avant. "

Que ce soit Alain Madelin, ancien ministre de gouvernements de droite, qui a salué son programme sur les retraites, ou Robert Hue qui l'a rejoint, Emmanuel Macron n'a accordé de place particulière à personne. "Ni l'un ni l'autre n'ont de rôle dans la campagne. Ils ne pèsent pas  dans l'organigramme d'En Marche!", certifie Benjamin Griveaux. Et ceux qui voudraient se lancer dans la négociation d'une circonscription "peuvent toujours déposer un dossier de candidature, qui sera examiné par la commission nationale d'investiture".

Des soutiens moqués. Reste à mesurer l'impact en termes d'image. À droite comme à gauche, on saute sur la moindre occasion de railler un soutien un peu trop marqué. "Ça y est, c'est foutu pour Macron !", s'était amusé le socialiste Emmanuel Maurel après qu'Alain Minc a annoncé qu'il voterait pour le fondateur d'En Marche! au mois de janvier. "Minc soutient Macron : le baiser de l'araignée", avait pour sa part commenté le député LR Pierre Lellouche, en allusion au côté "chat noir" de celui qui a, par le passé, soutenu Edouard Balladur en 1995, Nicolas Sarkozy en 2012 et Alain Juppé en 2016. Chez En Marche!, on affiche plutôt de la sérénité. "Je n'ai pas le sentiment que cela ait provoqué un écroulement dans les sondages", évacue Benjamin Griveaux.

Le Drian plus soigné que Valls. Sans rejeter qui que ce soit, Emmanuel Macron n'en réserve pas moins un accueil différent selon la personnalité qui se rallie. Et communique plus volontiers sur le soutien d'un Bertrand Delanoë ou d'une Aurore Bergé que sur les appels du pied de Bernard Kouchner. De même, il se montre plus prudent sur un potentiel rapprochement de Manuel Valls, dont le résultat à la primaire a montré l'impopularité, que sur celui de Jean-Yves Le Drian, qui viendrait mettre son bilan à la Défense au service d'un candidat encore peu audible sur les sujets régaliens.