Loi Climat : le Haut Conseil regrette des "délais" et une "portée réduite"

Les 150 citoyens de la Convention climat se réunissent à partir de vendredi pour leur dernière session destinée à évaluer la réponse de l'exécutif à leurs 149 propositions, dont ce projet de loi (photo d'illustration).
Les 150 citoyens de la Convention climat se réunissent à partir de vendredi pour leur dernière session destinée à évaluer la réponse de l'exécutif à leurs 149 propositions, dont ce projet de loi (photo d'illustration). © AFP
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avec AFP
"Une proportion élevée" des mesures du projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat voit sa portée "réduite par un périmètre d'application limité, voire ponctuel, des délais de mise en œuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application", estime le Haut Conseil pour le Climat dans un avis publié mardi. 

De nombreuses mesures du projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat sont marquées par une "portée réduite", a regretté mardi le Haut Conseil pour le Climat (HCC). "Une proportion élevée (des mesures du projet de loi) voit sa portée réduite par un périmètre d'application limité, voire ponctuel, des délais de mise en œuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application", estime dans son avis cet organisme d'évaluation indépendant qui compte sur l'examen au Parlement pour améliorer l'ambition du texte.

 

La publicité et les vols intérieurs en ligne de mire                  

Comme dans ses précédents avis sur le plan de relance, la 5G ou le logement, l'organisme d'évaluation indépendant créé par Emmanuel Macron n'est pas tendre avec la politique climat du gouvernement, soulignant l'écart entre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030 (par rapport à 1990) et les mesures prises pour l'atteindre. Dans sa ligne de mire, l'interdiction de la publicité limité aux énergies fossiles et non "à un ensemble de biens et de services manifestement incompatibles avec la transition" (SUV, certains produits alimentaires...). Ou encore l'interdiction des vols intérieurs s'il existe une liaison ferroviaire directe de moins de 02h30, une limite "beaucoup trop basse" (10% du trafic aérien en 2019).

Quant au secteur du bâtiment (près de 20% des émissions), le projet de loi prévoit l'interdiction de la location des "passoires thermiques". Mais les mesures "ne s'appliquent pas aux propriétaires occupants" (soit 58% des occupants de passoires en 2018) et "ne prévoient pas d'extension progressive aux autres classes énergétiques", s'inquiète le HCC. Il plaide ainsi pour la mise en place d'une "trajectoire d'obligation de rénovation" s'échelonnant jusqu'à 2050, date visée par le gouvernement pour atteindre la neutralité carbone.

Une décennie "cruciale" pour mettre en place des réformes

Alors que la décennie en cours est "cruciale" pour mettre en place les réformes structurelles compatibles avec les objectifs climatiques, le projet de loi représente "des opportunités manquées d'accélérer le rythme" de la transition écologique, a insisté Corinne Le Quéré, soulignant que "la France est en retard" dans les objectifs qu'elle s'est fixés. Ainsi, le premier budget carbone 2015-2018 n'a pas été respecté -l'Etat vient d'ailleurs d'être reconnu responsable de manquements par la justice administrative.

 

Les émissions de CO2 ont bien baissé en moyenne de 1,2% par an sur les cinq dernières années, mais "la dynamique actuelle de réduction des émissions est encore insuffisante", a mis en garde le HCC. Certes, avec -1,7%, la baisse des émissions a excédé en 2019 les objectifs du deuxième budget carbone (-1,5% par an entre 2019 et 2023), mais son plafond avait été assoupli après l'échec à respecter le précédent, rappelle Corinne Le Quéré. La climatologue s'est notamment inquiété de la capacité à "tripler" le rythme de baisse prévu pour le 3e budget carbone 2024-2028, quand certaines mesures sont prévues après 2024, voire en 2030.

Le nom même de la loi remis en question

Alors il faut "redresser le tir" en intégrant une approche stratégique dans la loi, a-t-elle plaidé, comptant sur l'examen du texte au Parlement.  Le Haut Conseil invite ainsi à "raccourcir et clarifier l'horizon temporel" de certaines mesures et "élargir" celles ayant "un potentiel structurant afin qu'elles portent sur des volumes d'émissions significatifs".
Le nom même de la future loi ne trouve pas grâce à ses yeux. Le terme "résilience" fait spécifiquement référence à l'adaptation aux impacts du changement climatique, un volet "extrêmement limité" dans le texte (2 mesures spécifiques sur les 69 articles). Les 150 citoyens de la Convention climat se réunissent à partir de vendredi pour leur dernière session destinée à évaluer la réponse de l'exécutif à leurs 149 propositions, dont ce projet de loi.