L’impossible équation du Parti communiste

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André Chassaigne (en arrière-plan), le patron des députés communistes, milite pour un candidat communiste à la présidentielle. Contre l'avis du secrétaire national Pierre Laurent. © JACQUES DEMARTHON / AFP
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A l’approche de l’élection présidentielle, le PCF peine à définir une stratégie, notamment vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon. Car c’est sa survie même qui est en jeu. 

Tous les cinq ans, c’est un peu la même chose. Le Parti communiste français se retrouve fort dépourvu quand le temps de l’élection présidentielle fut venu. En cet automne 2016, c’est particulièrement vrai : le PCF ne parvient pas à se mettre d’accord sur une stratégie. La direction, incarnée par le secrétaire national Pierre Laurent, a été désavouée sur un soutien à Jean-Luc Mélenchon par la conférence nationale du parti samedi, et c’est donc aux militants, à cette fameuse base, que revient de rendre une décision qui engage l’avenir même de la formation politique les 23, 24 et 25 novembre. Ça s’annonce ardu. Car aucune solution qui se présente au PCF ne semble idéale.

  • Soutenir Mélenchon et se soumettre

C’était la solution préconisée par Pierre Laurent : apporter un soutien critique à Jean-Luc Mélenchon. Et ainsi recréer l’alliance de 2012, sans toutefois l’étiquette Front de gauche. Si cette stratégie avait été validée par la conférence nationale du PCF, cela aurait au moins permis de discuter avec le candidat de La France insoumise. Voire de réclamer des contreparties. Avec le refus de samedi , cette porte est fermée. Et si la base décidait malgré tout de soutenir Jean-Luc Mélenchon, celui-ci n’aurait aucun compte à rendre à la direction. Qui serait donc obligée de laisser agir ses militants pour le compte d’un autre et risquer ainsi de voir filer sa base.

L’hémorragie, d’ailleurs, a déjà commencé. "L’heure n’est plus au dialogue mais au siphonnage du PCF par La France insoumise", constate Romain Ducoulombier, historien du communisme, dans La Croix. "Jean-Luc Mélenchon peut s’appuyer pour cela sur une partie des militants communistes qui lui reconnaissent sa cohérence et font le choix de la raison, comme Marie-George Buffet." L’ancienne ministre des Sports, partisane d’un soutien au candidat du Parti de gauche,  s’est en effet montrée plus qu’agacée après la décision de la conférence nationale.

  • Soutenir Montebourg et se compromettre

Alors qui d’autre, à part Jean-Luc Mélenchon ? Le nom d’Arnaud Montebourg revient régulièrement sur les lèvres communistes. Le préalable, c’est évidemment que l’ancien ministre de l’Economie remporte la primaire du PS et de ses alliés à la fin de l’année. Cette alliance aurait un avantage clair : elle permettrait au PCF de conclure un accord électoral et ainsi d’espérer conserver des élus nationaux, indispensables à sa survie. "En réalité, sur le terrain, les communistes sont sattelisés par le PS. Ils sont obligés de s'entendre", explique à Europe1.fr Romain Ducoulombier.

Reste un sérieux problème : comment justifier une alliance avec un candidat qui serait soutenu par le Parti socialiste, après avoir pourfendu pendant plusieurs années le parti majoritaire ? "Il y a un jeu de louvoiement entre la présence idéologique critique qu’il veut incarner à la gauche du PS et son obligation de préserver sa présence sur les territoires", explique Romain Ducoulombier. Sans compter qu’Arnaud Montebourg, même s’il a rejoint la fronde contre François Hollande depuis deux ans, a été ministre jusqu’en 2014. Et ça, Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens ne l’oublieront sans doute pas.

  • Soutenir un candidat maison et se démettre

Et si, finalement, les communistes décidaient tout simplement d’envoyer l’un des leurs au front. Certains militent pour cette solution. C’est le cas d’André Chassaigne, le patron du groupe communiste à l’Assemblée, qui propose d’ailleurs ses services. Pierre Laurent, le secrétaire national, est un candidat naturel à la candidature. Le nom de Ian Brossat, adjoint de la maire de Paris âgé de 34 ans  seulement, est également souvent évoqué. 

Mais cette option n’est pas sans risque. La dernière fois que le PCF a présenté seul une candidate à la présidentielle, c’était Marie-George Buffet en 2007, et avec 1,93% des voix, le fiasco avait été retentissant. "Il y aurait un énorme risque de figuration, et moralement, s’opposer à Mélenchon serait très coûteux", prévient  Romain Ducoulombier. Le spécialiste du PCF l’assure même sans ambage à Europe1.fr : "Ce serait une catastrophe. Une candidature communiste serait aujourd’hui suicidaire."

  • Ne soutenir personne et disparaître

Reste une dernière solution, mais elle est largement inenvisageable. Le PCF pourrait décider de ne présenter personne et, constatant ses divisions, de ne soutenir officiellement aucun candidat. Pour la première fois depuis 1958, le parti ne jouerait aucun rôle lors d’une élection présidentielle. "Je ne vois pas comment il ferait. Dans la 5ème République, si on ne présente personne, on n'existe pas. Mais c'est possible", juge Romain Ducoulombier à Europe1.fr. Qui se montre pessimiste pour l'avenir du parti, fondé en 1921. "Je crains qu'il n'atteigne pas son 100ème anniversaire", assure-t-il.