Législatives : le PS a-t-il déjà acté sa défaite ?

Jean-Christophe Cambadelis
Jean-Christophe Cambadelis, le neuf mai dernier lors du lancement de la campagne du PS pour les législatives. © Jacques DEMARTHON / AFP
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Divisé, pris en étau, le parti semble avoir fait une croix sur l’espoir d’avoir une majorité à l’Assemblée. Déjà, l’après-18 juin se prépare.

Lundi matin, Jean-Christophe Cambadélis affichait un état d’esprit combattif. Sur France Inter, le Premier secrétaire du PS a appelé les électeurs à envoyer à l'Assemblée nationale "le maximum de députés socialistes", pour que "les valeurs de justice sociale soient représentées et défendues". Le patron du PS est clair : le score de Benoît Hamon à la présidentielle (autour de 6%), historiquement faible, ne reflète pas la réalité. Aux législatives, "nous ferons plus dans la plupart des circonscriptions", a-t-il assuré.

Mais l’optimisme s’arrête là. Pris en étau entre la République en Marche (entre 27% et 32% des intentions de vote pour les législatives) et la France insoumise (14% à 15%), les socialistes semblent avoir déjà fait une croix sur tout espoir de majorité parlementaire. En coulisses, les cadres tablent sur 80 élus tout au plus pour l’alliance PS/PRG, contre 292 actuellement. Et pour l’heure, les enquêtes d’opinion leur prêtent un score encore plus bas : avec environ 11% des voix,  ils n’obtiendraient qu’une cinquantaine de députés... soit moins que les 57 de 1993, année où le PS avait réalisé son pire score.

Une quinzaine de candidats PS partent… sans le logo PS. Signe que le PS n’attire plus, voire fait office de repoussoir : une quinzaine de candidats aux législatives pourtant investis par le parti ont décidé de se passer du logo et des couleurs de Solférino sur leurs affiches et leurs tracts de campagne. L’ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine, se présente ainsi dans la 3e circonscription de l’Indre-et-Loire en se revendiquant de la "majorité présidentielle". Dans la 18e circonscription de Paris, l'ancienne ministre du Travail Myriam El Khomri se place comme candidate "avec Emmanuel Macron".

"Ce n’est pas la position du PS !", a tenu à rappeler Jean-Christophe Cambadélis, lundi matin. Pourtant, lui non plus ne croit plus en l’avenir de son parti, en tout cas dans sa forme actuelle. Le Premier secrétaire a estimé lundi qu'il n'était "pas impossible" que le parti change de nom, affirmant qu'il fallait "prendre en compte" la "demande de renouvellement". "Je pense que le Parti socialiste va se refonder, se reformuler, se restructurer, qu'il y aura beaucoup de travail", a-t-il détaillé. Le patron du PS, qui occupe ses fonctions depuis avril 2014, n'a pas semblé non plus opposé à un déménagement du siège de la rue de Solférino où le parti s'est installé au début des années 1980. "Oui, à partir du moment où vous changez, on change tout", a-t-il expliqué, estimant qu'"il faudra marquer une nouvelle époque" et "prendre en compte" la "demande du renouvellement".

" L'avenir de la gauche ne réside ni dans une lente dérive gauchiste ni dans la voie du social-libéralisme "

Un parti de plus en plus divisé. Reste à savoir qui viendra grossir les rangs de ce parti socialiste "refondé". Au sein du parti de l’ancienne majorité présidentielle, les divisions paraissent insurmontables. Benoît Hamon, qui entend bien se relever de sa défaite, a promis de créer un "mouvement citoyen et transpartisan", très ancré à gauche, dès cet été. Anne Hidalgo, Christiane Taubira et Martine Aubry ont annoncé début mai le lancement d’un nouveau mouvement, "dès demain", visant à "refonder la politique de la France".

Pour les législatives, les députés sortants de l’Essonne Manuel Valls et Malek Boutih ont décidé de se passer de l’investiture du PS. Douze figures du PS, dont les anciens ministres Najat Vallaud-Belkacem, Mathias Fekl et Estelle Grelier, ont par ailleurs appelé lundi dans une tribune publiée par Libération à "réinventer la gauche de demain." "L'avenir de la gauche ne réside ni dans une lente dérive gauchiste (...) ni dans la voie du social-libéralisme", ont-il lancé, s’écartant ainsi de la voie choisie par ceux qui ont décidé de soutenir Emmanuel Macron.

" Le PS ne peut plus vivre comme la SFIO "

Un futur agrégat de "mouvements citoyens" ? La direction du PS parviendra-t-elle à unifier toutes ces aspirations ? La première tentative en ce sens est venue au lendemain du second tour de la présidentielle, avec la constitution d’un programme commun au PS pour les législatives. Les mesures les plus controversées du programme de Benoît Hamon ont été écartées : exit, donc, le revenu universel d’existence, la reconnaissance du  "burn out" comme maladie professionnelle ou la sortie du diesel et du nucléaire à horizon 2025. Le document du PS reprend en revanche plusieurs propositions d’Emmanuel Macron, comme "la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers". Un élagage qui a provoqué l’ire des pro-Hamon. Et qui ne semble pas vraiment susciter l’enthousiasme des autres. "Je ne l’ai même pas lu. C’est un accord sur le plus petit dénominateur commun, un gadget", déplore ainsi un candidat PS aux législatives interrogé par Le Figaro.

Pour Jean-Christophe Cambadélis, ce "petit dénominateur commun" pourrait suffire. La direction du PS n’ambitionne pas de refonder un parti parfaitement unifié. Mais espère tout de même créer un mouvement capable de fédérer le plus de forces de gauche possible, fussent-elles divisées. "Il faut faire vivre plus fortement les mouvements associatifs, être en interaction avec la société civile et les mouvements citoyens, il faut trouver une nouvelle formule d'agrégat politique", affirme le Premier secrétaire du PS. Et de conclure : "Aujourd'hui, on voit bien qu'il faut tout à la fois une continuité et qu'il faut incarner. Le PS ne peut plus vivre comme la SFIO, c'est à dire avec une verticalité, nous laissons ça à Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron ou à Marine Le Pen".