Selon un récent sondage de l'Ifop, les Français sont moins préoccupés par l'action des forces de l'ordre que par une réponse pénale jugée insuffisante. 6:47
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Romain David
Invité samedi de C’est arrivé cette semaine sur Europe 1, Frédéric Dabi, le directeur général de l'Ifop, évoque la prédominance de la question sécuritaire dans les dernières campagnes électorales pour la présidentielle. Un récent sondage laisse entendre que 2022 ne dérogera pas à la règle : 86% des Français assurent que ce sujet pèsera dans leur vote.
ANALYSE

La sécurité, axe clé de la prochaine campagne présidentielle ? C’est ce que laisse entendre un sondage Ifop réalisé pour Le Journal du Dimanche et publié le 25 avril, et dans lequel 86% des sondés assurent que la sécurité sera un enjeu majeur en 2022, même si la questions sanitaire s’impose aujourd'hui comme prioritaire pour la majorité des Français (85%), suivi par l'éducation, à égalité avec la sécurité (72%). Est-ce à dire que la sécurité est devenue une marotte des candidats en campagne, indépendamment des principales préoccupations de l'électorat ? Pour Frédéric Dabi, le directeur général de l'Ifop, invité samedi de C’est arrivé cette semaine sur Europe 1, la sécurité permet aux politiques en campagne de rebondir aisément sur l’actualité et d'adopter une posture volontariste, susceptible de marquer l'électorat. 

Quel est le principal enseignement de ce sondage ?

Ce sondage installe un peu le décor de cette précampagne avec cette installation de la thématique sécuritaire à un niveau jamais vu depuis mars-avril 2002, qui n'était pas une campagne présidentielle anodine. On se souvient de l'affaire Paul Voise et la tuerie de Nanterre qui avaient mis la sécurité au cœur des motivations de vote des Français. La question est un peu artificielle, mais 86% des Français nous disent que la sécurité constituera un élément essentiel de leur vote à la prochaine élection présidentielle.

Il y a surtout le fait que la préoccupation sécuritaire a bondi de 26 points en un an.

Oui, c'est très rare que sur un sondage d'opinion où l’on pose de manière récurrente les mêmes questions, on ait un bond pareil. On l'a enregistré en septembre dernier. Septembre dernier, ce n'est pas anodin non plus. C'est après cet été meurtrier où, chez les électeurs, il y a eu un affadissement du clivage gauche-droite. Les Français ont le sentiment que la lutte contre la délinquance constitue un vrai problème. Surtout, les victimes de cet été meurtrier étaient souvent des personnes dépositaires de l'autorité de l'Etat. Cette préoccupation va de pair avec le sentiment d'impuissance des politiques et le sentiment de perte d'autorité de l'Etat. Le maire de Signes dans le Var, ce chauffeur de bus à Bayonne, des pompiers, des policiers… Les Français ont lié cette montée de l'insécurité non pas à la question du manque de forces de l'ordre, mais plutôt à l'insuffisance de la réponse pénale.

Il faut quand même relativiser, la sécurité n'est que la deuxième préoccupation des Français, bien après la santé et à égalité avec l'éducation. Mais on a l’impression qu’il est plus facile, au fond, de se servir de la sécurité dans une campagne présidentielle.

Vous avez parfaitement raison, même si, en 2012, il faut se souvenir que la thématique majeure de campagne du candidat Hollande, c'était l'éducation et la jeunesse. Mais il est vrai que le 'feuilletonnage', les faits-divers rapportés par les médias, par les chaînes d'information en continu installent un climat particulier. Et pourtant, on voit dans ce sondage que la sécurité, que ce soit le volet délinquance ou le volet terroriste, est nettement devancée par la santé. Déjà dans les enquêtes réalisées en août 2019, bien avant la crise du Covid-19, la santé arrivait en tête des préoccupations des Français à cause de la grève des urgences, parce que la situation de l'hôpital public était déjà jugée fragile. Très clairement, le Covid-19 a accéléré et amplifié l'inquiétude des Français sur le délabrement de l'institution.

Seuls 27% des Français trouvent que le bilan d'Emmanuel Macron est satisfaisant dans le domaine de la sécurité, et cela en dépit de la loi sur la sécurité globale, des lois antiterroristes, de la loi contre le séparatisme, de son ministre de l'Intérieur qui multiplie les déclarations de guerre aux islamistes et aux trafiquants de drogue. Comment l’expliquer ?

L'empilement des lois n'a jamais impacté la perception des Français. Sous Nicolas Sarkozy, il y a eu aussi beaucoup de lois décidées sous le coup de l'émotion. L’affaire Francis Evrard en 2009, l'affaire Laëtitia Perrais, assassinée par Tony Meilhon en 2011, etc. Ce n'est pas pour autant que les Français avaient le sentiment que les choses allaient mieux. Dans l'imaginaire des Français, Emmanuel Macron est quelqu'un de volontariste, qui est capable d'actions de transformation sur le plan économique, sur le plan de la société, mais beaucoup moins sur les thématiques régaliennes. Et ce type de perception est assez difficile à faire bouger. Il a raison d'essayer de défendre son bilan aujourd’hui, à un an de la présidentielle. Ce n'est pas pendant le cœur de la campagne, où il devra proposer un projet pour la France de demain, qu'il sera plus audible sur l’action accomplie.

S’agit-il d’une question de posture ? Les Français ont besoin de se sentir rassurés par des personnalités qui font mine de les protéger, mais se soucient peu des résultats ?  

La posture, le volontarisme, peuvent-être un moyen de compenser l'absence de résultats, jusqu’à ce que l’exercice du pouvoir rattrape nos dirigeants. Le Nicolas Sarkozy très sécuritaire de 2007 s'est quand même "fracassé" face à François Hollande parce qu'il il avait un vrai talon d'Achille : la suppression de 10.000 postes au sein des forces de l'ordre, que l'entourage et le candidat socialiste avaient fortement exploité.