EDITO - "La pression, la contrainte, le coup de force" : les nouveaux moyens d'action de certains syndicats

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Nicolas Beytout, édité par Mathilde Durand
Le siège de la CFDT a été pris pour cible à deux reprises par des militants se revendiquant de la CGT. Nicolas Beytout, éditorialiste pour Europe 1, dénonce des actions "d'un courage relatif" et des violences symboles d'un "dérèglement du fait syndical". 

Pour la deuxième fois en quelques jours, le siège de la CFDT a été envahi par des militants d’autres organisations hostiles à la réforme des retraites. Une coupure d'électricité a même été revendiquée par la CGT Energie Ile-de-France. L’éditorialiste Nicolas Beytout dénonce une violence qui traduit "un dérèglement du fait syndical".

"C’est un fait, dans ce climat étrange de fin de conflit social, la CFDT est devenue une cible. Vendredi dernier, c’est une mystérieuse "coordination RATP-SCNF" qui avait déboulé au siège du syndicat de Laurent Berger. Lundi, c’est carrément la CGT (la fédération énergie de Paris) qui a envahi les mêmes locaux, coupé l’électricité et revendiqué cette action d’un courage tout relatif…

En tout cas, la CFDT a porté plainte, ce qui probablement ne servira pas à grand-chose. Et sûrement pas à retisser un lien entre cette organisation et les autres, les syndicats dits 'protestataires'. Il y a désormais d’un côté la CFDT et UNSA, qui ont accepté le dialogue avec le gouvernement, et de l’autre, les habituels CGT, FO et Solidaires, qui considèrent les premiers comme des traîtres à la cause. C’est simple, pour eux, la CFDT est coupable d’avoir proposé une sortie de crise avec la Conférence de financement, et l’UNSA est la première organisation à avoir proposé une trêve pour Noël. En somme, dans l’esprit des 'jusqu’au-boutistes' du refus, ils ont contribué à l’échec du mouvement.

Au point, donc, de se porter des coups mutuellement, ce qui est assez nouveau. Des actions coup de poing de ce type ont déjà eu lieu, dans le passé, par exemple au siège de FO. Mais c’était le fait de mouvements de chômeurs, ou d’intermittents du spectacle. Pas d’une fédération syndicale, pas de la CGT en tout cas. Mais voilà, le coup de force, la pression, la contrainte font maintenant partie des moyens d’action de plusieurs syndicats. Et eux qui n’ont que les mots 'démocratie sociale' à la bouche devraient réfléchir à ce que ce déni de démocratie renvoie comme image de leurs actions.

Plus les syndicats sont faibles, plus ils ont tendance à nier le fait majoritaire

Il ne faut pas être naïf : plus les syndicats sont faibles (et ils sont faibles, dans notre pays), plus ils ont tendance à nier le fait majoritaire. Les piquets de grève, les blocages de dépôts, les insultes, les menaces, toute cette panoplie que les grévistes ont utilisée à fond pour intimider leurs camarades non-grévistes, sont le signe d’un dérèglement du fait syndical.

Les dirigeants syndicaux plaident des faits commis par des individus isolés. C’est commode. Et c’est en partie vrai. Les mobilisations verticales (avec un mot d’ordre plus ou moins suivi, qui partait du haut vers les troupes), c’est en partie fini. Place aux mobilisations horizontales, alimentées par les réseaux sociaux, où chacun suit son propre intérêt, en fonction de ce que pense sur le terrain son entourage immédiat. Le résultat, c’est que non seulement le front syndical est profondément désuni, mais en plus, que chaque confédération se retrouve fragilisée, tiraillée de l’intérieur. Étrange sortie de crise."