Jean Garrigues 1280
  • Copié
Margaux Baralon , modifié à
Pour l'historien du politique, l'ancien Premier ministre, décédé samedi, s'est distingué des autres socialistes en ayant toujours un coup d'avance sur les idées.
INTERVIEW

De Michel Rocard, ancien Premier ministre socialiste décédé samedi, on retient souvent la fondation de la "deuxième gauche" à la française. "Il voulait instaurer une véritable social-démocratie à la française, une gauche pragmatique, ouverte, réaliste et adaptée à l'économie de marché", abonde Jean Garrigues, historien du politique.

"Penser la modernité". Mais pour ce spécialiste de la Vème République, invité sur Europe 1 lundi, la spécificité de Michel Rocard est ailleurs. "Ce qui [le] distingue des autres socialistes, c'est l'idée permanente de s'ouvrir aux idées nouvelles, de penser la modernité, d'être toujours en avance", explique-t-il. Jean Garrigues donne ainsi l'exemple de "l'autogestion dans les années 60, ce qui sortait de nulle part" à l'époque, de "la société des loisirs dans les années 90", mais aussi de "l'écologie et l'Europe", deux thèmes chers à Michel Rocard avant même qu'ils ne soient repris par la gauche. "Il a toujours été pionnier."

L'héritier Manuel Valls. Dès lors, qui sont les héritiers de Michel Rocard ? Le premier d'entre eux reste indéniablement Manuel Valls. "Il a été son collaborateur à Matignon et s'est toujours réclamé de cet héritage", rappelle Jean Garrigues. "Même si, sur les derniers conflits et sa manifestation d'autorité, Michel Rocard n'était pas toujours d'accord. Il était favorable à la loi Travail", qui serait une "manière d'instaurer une véritable social-démocratie" pour l'ancien Premier ministre.

Plusieurs gauches qui coexistent. À l'inverse, lorsque Jack Lang ou Gérard Filoche rendent hommage au socialiste disparu, il faut y voir une reconnaissance de la grandeur de leur ennemi plutôt qu'un salut des idées. Même si, pointe Jean Garrigues, "ils ont pu se retrouver sur certains combats, une utopie, un projet" comme, par exemple, l'opposition à la guerre d'Algérie. Pour l'historien, la mort de Michel Rocard est donc l'occasion de se souvenir qu'il "n'y a pas une seule gauche" mais plusieurs. Et qu'il "faut qu'elles coexistent". Car même s'il était favorable à une adaptation à l'économie de marché, ce que certains socialistes jugent, encore aujourd'hui, contraire aux valeurs de la gauche, "Michel Rocard était absolument socialiste. C'était peut-être même le dépositaire le plus rigoureux de l'histoire du socialisme", souligne Jean Garrigues.