INFO EUROPE 1 - Bombardement de Bouaké : Alliot-Marie, Villepin et Barnier échappent aux poursuites

Neuf militaires français avaient été tués lors du bombardement de Bouaké, en 2004.
Neuf militaires français avaient été tués lors du bombardement de Bouaké, en 2004. © PHILIPPE DESMAZES / AFP
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Pierre de Cossette, édité par Thibaud Le Meneec
La Cour de justice de la République n’enquêtera pas sur les trois ex-ministres, mis en cause après la fuite de plusieurs suspects du bombardement qui avait coûté la vie à neuf soldats français en Côte d’Ivoire en 2004. Pour la CJR, rien ne montre le rôle actif des anciens ministres.
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Pas de procès. Pas même de poursuites. Ni d’ailleurs d’enquête. Ainsi s’est éteinte cette semaine la procédure lancée contre trois anciens ministres français, dans l'affaire du bombardement du camp militaire français de Bouaké, en Côte d'Ivoire. Un dossier vieux de quinze ans sur lequel a souvent plané l’ombre d’un secret d’État. Neuf militaires français avaient été tués.

Pas soupçonnés d'avoir joué un rôle actif

Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, Dominique de Villepin, à l'Intérieur, et Michel Barnier, au Quai d’Orsay, sont-ils responsables de la fuite de plusieurs suspects de l’attaque de Bouaké ? Pour la commission des requêtes de la Cour de justice de la République, la réponse est "non". Mercredi 22 mars, selon les informations recueillies par Europe 1, les dix magistrats qui composent cette commission ont rendu leur avis. D'après eux, les trois ex-ministres ne peuvent pas être soupçonnés d’avoir joué un rôle actif. Il n’y a donc pas de raison de saisir la commission d’instruction de la CJR.

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Une magistrate est pourtant convaincue du contraire. Dès 2016, la juge d’instruction au tribunal de grande instance de Paris, chargée de faire la lumière sur le drame, écrit noir sur blanc que les trois ministres avaient "tout orchestré" afin qu'il soit impossible d'interroger les suspects du bombardement du 6 novembre 2004.

Des suspects arrêtés en 2004

À l'époque, des suspects sont arrêtés. Ils sont présentés comme des mercenaires, russes, biélorusses et ukrainiens au service du président Gbagbo, dans un pays très divisé. Parmi eux se trouvent sans doute les pilotes des deux Soukhoi SU-25 qui ont largué des roquettes sur le lycée Descartes de Bouaké où est basé un détachement de la Force Licorne. Mais à Paris, officiellement, personne ne réagit. Et les suspects sont relâchés.

Bien que convaincue du rôle actif des trois ministres français, la magistrate n’est pas compétente pour enquêter sur eux. Mais se bat pour que la Cour de justice de la République – seule habilitée – se penche sur leur cas. Un avocat de victimes, quant à lui, se dit convaincu que le bombardement est un "coup monté" auquel est liée la France mais qui n’aurait pas tourné comme prévu.

Seuls les pilotes seront jugés

Début 2019, alors que la juge vient de renvoyer devant la cour d’assises trois pilotes, la "commission des requêtes" de la Cour de justice de la République commence à éplucher les milliers de pages du dossier judiciaire. Quatre mois plus tard, le dossier vient donc de se refermer. Selon cette commission, Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier ne peuvent être soupçonnés ni de "recel de malfaiteurs", ni de non-dénonciation de crime, et pas davantage d’entrave à l’enquête. Dans son réquisitoire révélé par Mediapart, le vice-procureur de Paris qui suivait le dossier avait pourtant déploré le manque de "célérité (…) que les victimes, au service de leur patrie, auraient pu légitimement espérer des institutions nationales".

Pour les proches des soldats disparus, qui avaient déjà saisi la CJR une première fois pour accuser Michèle Alliot-Marie de "complicité d’assassinats" – sans succès –, il faudra se contenter du procès de trois pilotes de chasse et copilotes (deux Ivoiriens et un Biélorusse) : trois hommes qui ne seront jamais remis à la justice française.