EDITO - Dans les relations entre le gouvernement et la CGT, "un nouveau cap a été franchi"

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Nicolas Beytout, édité par Mathilde Durand
Les tensions montent entre le gouvernement et la CGT. Pour notre éditorialiste Nicolas Beytout, certains grévistes et leaders syndicaux vont trop loin, en particulier quand ils pratiquent une stratégie d'"intimidation", dénoncée par Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d'État aux Transports.
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A la veille d’une allocution importante pour le président de la République Emmanuel Macron, la grève se poursuit contre la réforme des retraites. Pas de trève pour les fêtes, y compris dans les relations entre le gouvernement et les syndicats juge notre éditorialiste, Nicolas Beytout : "S’il y a du mieux en ce qui concerne le trafic du métro parisien, ce n’est pas le cas, mais alors pas du tout, en ce qui concerne les relations entre le gouvernement et la CGT."

"Cela n’a jamais été l’amour fou, et les deux camps ne se sont pas épargnés depuis le début du conflit social, mais un cap nouveau a été franchi, hier, avec les déclarations respectives du secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, et du Secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.

"Un syndicalisme d'intimidation" selon Djebbari

Il y a même eu des noms d’oiseaux. 'Le gouvernement organise le bordel', accuse carrément la CGT. De son côté, le secrétaire d’Etat est moins grossier mais tout aussi tranchant. Il dénonce les méthodes du syndicat, les actions qui 'flirtent avec l’illégalité', les opérations coup de poing à destination des médias, et ce qu’il appelle 'le syndicalisme d’opposition systématique'. Un syndicalisme 'd’intimidation', précise même Djebbari.

'Intimidation', c’est une lourde accusation. Il y a du vrai ?

Bien sûr. Et je ne pense pas seulement aux rodomontades des syndicalistes sur le thème 'la colère monte tous les jours' : ça fait partie du folklore traditionnel dans ce genre de conflit où les grévistes promettent toujours le pire, et revendiquent par exemple un nombre de manifestants systématiquement sur-vitaminé. Disons que ça, c’est un peu la loi du genre.

Non, ce qui est plus grave, c’est l’intimidation que pratiquent certains grévistes et leaders syndicalistes à l’égard des non-grévistes. C’est une mécanique bien connue, et que n’importe quel meneur des grandes grèves passées vous décrira complaisamment : les votes à main levée dans les assemblées générales, processus fondamentalement non-démocratique (que, en son temps, la droite avait essayé d’interdire). Les insultes (on a vu des images, on a eu des témoignages), les pressions directes entre collègues, ou même parfois sur les familles. La présentation tronquée des propositions de sortie de conflit. Il faut dire la vérité : ce genre de mouvement social de longue durée est en partie manipulé de l’intérieur.

Aucune chance que la CGT modère son opposition

Et est-ce que ça sert à quelque chose que le gouvernement le dénonce ? Ca défoule, sans doute ! Mais Je crois que le gouvernement a compris qu’il n’y avait absolument aucune chance pour que la CGT modère son opposition à la réforme des retraites. Il a compris aussi que, si les Français sont toujours majoritairement méfiants à l’égard de son projet, ils sont une grande majorité à soutenir la disparition des régimes spéciaux.

Le gouvernement essaye donc d’enfermer la CGT dans le rôle de défenseur des privilégiés des régimes spéciaux et d’agitateur politique qui 'instrumentalise le conflit à des fins politiciennes'. C’est l’autre face du conflit : elle n’est pas sociale mais politique, et le gouvernement ne veut pas la laisser sans réponse."