Député novice cherche collaborateur parlementaire idéal (et inversement)

Les députés dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale en 2012.
Les députés dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale en 2012. © BERTRAND GUAY / AFP
  • Copié
Thibaud Le Meneec
Le grand renouvellement des députés concerne aussi leurs collaborateurs, qui aimeraient pour beaucoup rester en poste après les législatives.

Comme un air de "plan social" à l’Assemblée nationale. Emportés par la vague Macron ou décidés à ne pas se représenter, la très grande majorité des 577 députés sortants ne reviendront pas au Palais Bourbon après le second tour des législatives, dimanche. Mais leurs 1.200 collaborateurs parlementaires sont également sur la sellette, contre 960 d'entre eux il y cinq ans. Liés au destin personnel de leur député, ces derniers n’échapperont pas au licenciement pour motif personnel, ce que les intéressés regrettent. Ils ont notamment demandé une audience auprès du Garde des Sceaux, sans réponse pour l’instant. "Tous les problèmes viennent du fait qu’il n’y a pas ni convention collective, ni fiche de poste, ni grille salariale pour nous. On ne touchera que 57% de notre salaire brut au chômage car il ne s’agit pas d’un licenciement pour motif économique", regrette Marine Lambert, membre du SNCP-FO, un des syndicats des collaborateurs parlementaires. Dimanche, le député socialiste qu’elle accompagnait depuis quatre ans a été battu au premier tour des législatives.

" "On repère les candidats en bonne position" "

Comme elle, ils sont nombreux à avoir assisté à la défaite de leurs "patrons". Quand certains ont anticipé de longue date la déroute socialiste et la défaite des Républicains en se réorientant vers des cabinets de lobbying ou d’affaires publiques, d’autres veulent au contraire continuer à arpenter les couloirs de l’Assemblée à des horaires parfois impossibles. C’est le cas de Sophie (1), collaboratrice d’un socialiste depuis l’hiver 2015 et qui se verrait bien rempiler auprès de l’un des nombreux députés La République en marche! (REM) à intégrer l’Assemblée nationale. "En attendant les résultats, on repère les candidats en situation favorable et quand on saura qui est élu, on ira les voir pour se présenter", indique-t-elle.

" "On peut essayer les CV, mais il faut être au bon endroit au bon moment" "

Léa (1), elle, a trouvé le député qu’elle aimerait accompagner au Palais Bourbon. C’est la députée pour qui elle travaillait depuis deux ans l’a aidée à se frayer un chemin auprès d’un candidat REM. Aujourd’hui, "il devrait être élu sans problème", dit-elle, confiante malgré la possibilité de tout perdre si jamais la vague macroniste ne se confirmait pas dimanche. Le candidat lui a promis de la choisir comme collaboratrice. "En tout cas, c’est ce qu’on s’est dit", glisse-t-elle. Selon cette spécialiste de la communication politique, rien n’égale le réseau et la cooptation pour garder sa place. "On peut essayer les CV, mais finalement, il faut être au bon endroit au bon moment car peu d’offres sont effectivement publiées", estime celle qui dit avoir les "épaules solides" pour assister des députés pro-Macron novices. Même si ces derniers auront, selon nos informations, une journée de formation collective pour apprendre les bases du mandat, prévue le week-end des 24 et 25 juin.

" "Une distribution sauvage de CV il y a cinq ans" "

Pour conserver leurs bureaux à l’Assemblée, d’autres misent sur des moyens moins orthodoxes en vue de convaincre les parlementaires. "Il y a cinq ans, de nombreux collaborateurs sortants se sont massés rue de l’Université (qui longe l’Assemblée nationale à Paris, NDLR) pour accueillir les nouveaux députés et leur distribuer leur CV", raconte Marine Lambert. "Je ne pense pas que ça soit la technique la plus répandue. J’espère plutôt que le groupe parlementaire d’En marche! va mettre en place une banque de données pour les CV", dit Sophie, la voix un peu abattue.

" "Réserver des taxi et écrire des amendements" "

Principal argument pour se vendre : l’expérience. "On se sent tellement largué au début. Je me rappelle avoir mis un an pour être vraiment au point. Car il faut connaître les lieux, anticiper les questions au gouvernement ou encore gérer les réponses du courrier", reconnaît Marine Lambert. Les sortants désireux de rester au Palais Bourbon estiment qu’ils ont un véritable plus à apporter à ces députés. "Sur le travail des lois, les commissions ou le contact avec les médias, on a un avantage", confirme Sophie. "Les collaborateurs ont des compétences juridiques, rédactionnelles et humaines qu’ils mettent au service du député. Parfois, ce n’est pas très intellectuel,  comme faire des notes de frais ou réserver un taxi, mais on peut aussi écrire des amendements", se souvient Thomas (1), qui a fait partie de l’équipe d’un poids lourd socialiste éliminé dimanche. "On peut même siéger en réunion de validation pour déterminer quels amendements seront présentés par notre groupe parlementaire", précise Marine Lambert.

" "Les députés qui sont volontaires sont consciencieux et assez grands" "

Les techniques d’un "collab" aguerri pour assister un député fraîchement débarqué dans l’hémicycle, un tandem appelé à marcher ? "Que les novices aient à découvrir les rouages, je l’entends. Mais les députés qui sont volontaires sont consciencieux et assez grands pour se débrouiller. La compétence ne passe pas forcément par l’expérience", rétorque Sacha Houlié, 28 ans, cadre des Jeunes avec Macron et surtout en ballottage très favorable dans la 2ème circonscription de la Vienne (41,75% au premier tour pour lui, contre moins de 15% pour son concurrent). "On a mis un référent du mouvement dans chacune des 523 circonscriptions où se présente quelqu’un pour la majorité présidentielle. Ils reçoivent une note d’actualité tous les jours pour épauler les candidats et les aider sur le terrain", ajoute-t-il.

Selon lui, ces jeunes militants locaux, issus du "vivier" des Jeunes avec Macron, ont vocation à devenir les prochains collaborateurs parlementaires de leurs députés une fois élus. Une force militante que Léa ne considère pas suffisamment vive pour compenser le manque de connaissance des sympathisants actifs. "Si le collaborateur et son député ne sont pas formés, beaucoup vont se rétamer", prédit-elle en pensant à ces "dizaines de candidats" quasiment élus et "qui font des fautes d’orthographe sur leurs tracts". Ce qui ne devrait pas empêcher les néo-députés de choisir leurs collaborateurs parmi leur entourage, toujours très fourni. Une mauvaise nouvelle pour ceux qui ceux qui resteront sur le carreau, soupire une collaboratrice : "Derrière chaque député, il y a une armée de réserve."

(1) : les prénoms ont été modifiés