Corse : "Pour l'instant, le dialogue ne s'est pas véritablement ouvert" avec le gouvernement, déplore Simeoni

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Romain David , modifié à

Le président du Conseil exécutif de Corse estime que le gouvernement fait la sourde oreille devant les revendications des autonomistes élus en décembre.

Une heure et demie d'entretien n'a pas suffi à mettre les choses au clair. Gilles Simeoni, le président du Conseil exécutif de Corse, et le Premier ministre Édouard Philippe se sont entretenus lundi sur la délicate question de l'avenir de l'île, alors que les autonomistes arrivés au pouvoir réclament notamment un élargissement de leur champ d'action, le rapprochement de ceux qu'ils appellent "les prisonniers politiques", ou encore l'inscription de la Corse dans la Constitution. "Pour l'instant, le dialogue ne s'est pas véritablement ouvert et tout ce que nous avons mis sur la table, avec la légitimité du suffrage universel, n'a pas véritablement été pris en compte par le gouvernement", a déploré Gilles Simeoni mardi, au micro d'Europe 1 Bonjour.

L'exécutif corse veut aller au-delà de ses compétences. Ce responsable politique dresse donc "un constat d'impasse à ce jour", mais tient toutefois à réaffirmer "sa volonté de dialogue" avec le pouvoir. En tête de ses regrets : l'article 72-5 du projet de loi constitutionnel, consacré à la Corse, et qu'il estime insuffisant. À ce stade, ce texte autorise la collectivité locale à "procéder elle-même, sur habilitation du Parlement ou du pouvoir réglementaire, à des adaptations dans les matières où s'exercent ses compétences". Mais Gilles Simeoni voudrait pouvoir aller plus loin, arguant notamment du caractère insulaire de la collectivité. "Nous voulons que le Parlement reconnaisse la capacité de la Corse et de sa collectivité à intervenir dans certains domaines pour lesquels nous n'avons pas de compétences pour adapter des règles et prendre en compte les contraintes particulières ou les spécificités de la Corse", plaide-t-il.

Le poids de l'Histoire. "À aucun moment on ne remet en perspective nos demandes par rapport à ce qui s'est passé pendant un demi-siècle en Corse", s'agace-t-il. "On ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas eu un conflit politique, avec sa part de drames malheureusement, des mini-attentats, des morts et des milliers de Corses qui sont allés en prison", rappelle-t-il. L'ouverture du débat parlementaire sur la réforme constitutionnelle, le 10 juillet, devrait voir cette question sensible de la place de la Corse dans la loi fondamentale remise sur la table. Gilles Simeoni espère à cette occasion un geste de la majorité. "Il y a eu un vote de l'Assemblée de Corse pour un projet alternatif, qui a d'ailleurs été soutenu par le groupe qui représente La République en marche en Corse, ça montre bien que l'on n'est pas sur des options excessives."

Obtention d'un statut fiscal. Gilles Simeoni salue néanmoins une avancée ; le Premier ministre, à l'occasion de leur rencontre, s'est prononcé en faveur de la mise en place d'une fiscalité particulière. "Pour la première fois, enfin, au plus haut niveau de l'Etat et par la bouche du Premier ministre, il est reconnu que la Corse a droit à un statut fiscal". Une manière de "prendre en compte les contraintes issues de l'insularité et le retard du développement économique de la Corse". Malgré tout, cet ancien avocat veut rester prudent : "C'est quelque chose d'important, reste à voir dans les semaines et les mois à venir comment cela se concrétisera".